Comment accepter qu’une certaine vulgate veuille faire raser les murs de Côte d’Ivoire aux courageux citoyens qui refondèrent le contrat sociopolitique ivoirien le 19 septembre 2002 ? Tant que nous vivrons, nous témoignerons du sens de l’histoire de cette époque, envers et contre tous les révisionnistes et négationnistes de tous bords. Etre taiseux en ces temps de prospérité de l’ingratitude et de l’amnésie quasi officialisées, c’est mourir avant que d’être mort. C’est tuer pour une deuxième fois ceux qui sont morts pour que tous les Ivoiriens et tous les habitants de Côte d’Ivoire soient enfin traités comme des membres à part entière de l’espèce humaine. Dans bien des officines mal famées aujourd’hui, en effet, bon nombre d’esprits niaiseux s’échinent à prêter encore et encore à Guillaume Soro et à ses compagnons des Forces Nouvelles, l’intention de prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire par un coup d’Etat. Toutes les semaines, on fait courir des rumeurs. Telle phrase, telle allusion, telle remémoration d’un proche de Guillaume Soro, rappelant un épisode de l’histoire de cette résistance citoyenne ivoirienne contre l’idéologie criminelle de l’ivoirité, est montée en épingle par les nouveaux sécurocrates zélés, pour éloigner par tous les moyens possibles, Guillaume Soro de son inéluctable destin national. Il importe donc de restituer la commémoration du 19 septembre 2002 à son vrai sens, afin de tuer dans l’œuf les récupérations politico-politiciennes dont cette date continue de faire malheureusement les frais. Il importe de montrer en quoi le 19 septembre 2002 a rendu irréversible, la désignation démocratique des dirigeants de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui comme de demain. Et cela devrait suffire à montrer la vacuité de la nouvelle tradition des auto-complots ourdis pour salir Guillaume Soro, horrible manipulation par laquelle certains croient, mordicus, pouvoir faire un pied de nez à l’intelligence du peuple.
La rancœur de l’aile radicale du FPI : un refus d’assumer toute l’histoire de la criminalité ivoiritaire
Pour l’ancien pouvoir du FPI, le 19 septembre 2002 correspond à l’agression délibérée de la Côte d’Ivoire par une coalition d’ivoiriens et d’étrangers déterminés à faire main basse sur les ressources et le territoire ivoirien. Il n’est que de lire le dernier témoignage de Laurent Gbagbo dans l’ouvrage de Mattéi pour s’en convaincre. Pourtant, la commémoration du 19 septembre 2002 est précisément celle des douleurs qui conduisirent Guillaume Soro et ses compagnons à risquer leurs vies pour changer l’intenable situation qui s’était installée en Côte d’Ivoire depuis la crise successorale du Président Houphouët-Boigny. Une partie de la nation, représentée successivement par les élites politiques du régime PDCI-RDA de 1993-1999, de la junte militaire du Général Guéi de 1999-, et du régime FPI de 2000 à 2002, avait décidée d’exclure d’autorité de la citoyenneté ivoirienne, une partie non moins importante du peuple de Côte d’Ivoire : harcèlements administratifs, spoliations foncières, destruction illégale de documents d’état civil, refus de renouvellement de pièces d’identité, violences et humiliations physiques graves, crimes de faciès, exécutions extra-judiciaires, idéologie haineuse dans les médias nationaux, tel était le quotidien des ivoiriens des années 2000 débutantes. C’est contre cette criminalisation outrancière de l’idéologie ivoiritaire que se dressèrent Guillaume Soro et ses compagnons du MPCI. Loin donc d’être une commémoration de revanche, le 19 septembre est une commémoration de méditation sur le tragique nécessaire à la réalisation de la liberté. Les Forces Nouvelles ne se vantent pas tous les 19 septembre de leur combat contre le régime du FPI. Elles se remémorent les durs sacrifices qu’elles durent consentir pour recouvrer la dignité des citoyens spoliés de tous bords.
Le mépris d’une partie de l’élite actuelle au pouvoir : un dédit empreint d’ingratitude
On peut trouver aujourd’hui, au cœur du régime du RHDP au pouvoir, des élites qui regardent encore les combattants du 19 septembre 2002 de très haut. Bien souvent issue de la bourgeoisie cossue des familles politiques où l’on naît avec une cuiller en or dans la bouche, cette frange de l’élite de salon aime bien à dresser un portrait dégradant de Soro et de ses compagnons de lutte : des analphabètes, des bouseux, des sauvageons, des boyordjan, des vauriens, qui ne doivent d’avoir racheté leur vie sur terre qu’à leur enrôlement dans une rébellion de cul-terreux, sans foi ni loi. Pourtant, ce mépris cache mal une réalité historique : ces mêmes combattants des Forces Nouvelles qu’on présente volontiers aujourd’hui entre deux bouffées de cigares et deux gorgées de champagne comme de vulgaires bandits, sont à l’origine des négociations de paix qui ont permis au PDCI-RDA et au RDR d’être candidats aux élections présidentielles 2010. Et quant éclatait en février 2010, la crise de la double dissolution, c’est bien sur les Forces Nouvelles de Soro que le RDR et le PDCI-RDA comptèrent pour résister au diktat de Laurent Gbagbo, comme en témoigne éloquemment le communiqué historique du RDR publié le 13 février 2010. C’est encore Guillaume Soro, Premier ministre issu de cette résistance des Forces Nouvelles qui a organisé les premières élections présidentielles réellement transparentes de l’après-Houphouët et c’est lui qui a consolidé le retour de l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national de 2010 à 2012, avant de passer à la tête de l’Assemblée Nationale. De cette longue période de 2002 à 2017, Guillaume Soro, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a indéniablement rempli les charges d’homme d’Etat, prenant les plus hauts risques de l’histoire de ce pays, en essuyant notamment le terrible attentat du 29 juin 2007 sur le tarmac de l’aéroport de Bouaké. Au total, il apparaît donc objectivement que la remémoration du 19 septembre 2002 devrait être vécue en partage avec le RHDP, qui ne serait jamais devenu la coalition forte qu’il est aujourd’hui sans l’apport de cette génération intrépide des Forces Nouvelles, qui contraint le pouvoir FPI à renégocier le contrat sociopolitique ivoirien et à reconfigurer les rapports de forces dans le pays. Et l’attitude fraternelle du Président Bédié le 17 septembre 2017 à Daoukro envers Guillaume Soro et les soroïstes participe de cette juste reconnaissance politique…
L’incompréhension d’une partie du peuple : le tragique des genèses démocratiques
Enfin, en raison de l’effet conjugué des deux tendances négatives ci-dessus examinées, il y a une partie de l’opinion populaire ivoirienne qui continue de voir le 19 septembre 2002 comme une aberration de l’histoire nationale. Pour cette opinion plutôt candide, les spoliés de la période 1993-2002 auraient dû procéder autrement pour faire valoir leurs droits ou sauver leurs vies menacées. Ils auraient dû opter pour la voie sublime de la non-violence, à la manière d’un Martin Luther King ou d’un Mahatma Gandhi. Soit : comment ne pas saluer la bonté, et même la piété de cette opinion ? Elle a pour elle la bonne conscience de ceux qui ne font pas l’Histoire. Mais, une objection peut toutefois valoir contre cet angélisme populaire, fait de religiosité diffuse : qu’on regarde l’Histoire des grandes démocraties, de la Grèce à l’Amérique contemporaine. Les démocraties naissent toujours d’épisodes tragiques de confrontation préliminaire des forces archaïques-réactionnaires avec les forces nouvelles-révolutionnaires. Et c’est de la victoire des secondes que naissent les institutions de la liberté. La Côte d’Ivoire a malheureusement dû passer par cet épisode tragique, préliminaire de toutes les genèses démocratiques. Sans excuser les exactions, les excès, les débordements de la crise de 2002 ; sans nier ou mépriser les victimes et les morts parfois innocentes de cette terrible période, il appartient aux citoyens avertis de se hisser au niveau de la compréhension téléologique de l’Histoire pour se convaincre que cette souffrance fut une source de progrès qualitatif pour la conscience collective ivoirienne. Et c’est forts de cela que tous ensemble, nous devons aller au Pardon et à la Réconciliation de tous les Ivoiriens, dans une Côte d’Ivoire apaisée, où tous les prisonniers de la dernière crise postélectorale 2010-2011, tous les 40 mille exilés ivoiriens encore hors des frontières du pays, et plus tard, tous les détenus de la justice internationale, pourront renouer avec la vie et la liberté dans une patrie ivoirienne à jamais immunisée contre le retour des démons qui faillirent à jamais l’abolir.
Comprise de cette façon, la commémoration du 19 septembre 2017 ne sera ni joie des vainqueurs, ni chantage envers les gouvernants, encore moins mépris pour les victimes et morts de tous bords. C’est une commémoration de la mémoire de vigilance qui est l’antichambre de l’élévation du niveau de conscience et de responsabilité de tous, pour un avenir meilleur. Guillaume Soro et les Forces Nouvelles, disons-le avec force, n’ont besoin d’aucun coup d’Etat pour accéder au pouvoir d’Etat. Pour eux, ce qui compte et comptera toujours, c’est de préserver les acquis de la démocratisation de la Côte d’Ivoire, afin que l’accès, l’exercice, la conservation ou la transmission du pouvoir d’Etat se fassent résolument pour et dans la justice, la paix, la stabilité et le bien-être de tous.
Source : guillaumesoro.ci
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