Mesdames, Messieurs
C’est pour moi un réel plaisir de prendre la parole à l’occasion de la 7e Edition du Forum de Dakar dont le thème porte sur
les enjeux de stabilité et d’émergence en Afrique dans un monde post COVID-19
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Permettez-moi avant tout de remercier et de féliciter les organisateurs de ce Forum International de Dakar dont la mission première est de servir de plateforme de dialogue sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, en lien avec la problématique du développement. Notre monde d’aujourd’hui, a en effet plus que jamais, besoin de cette ressource précieuse qu’est le dialogue.
Des espaces comme ce Forum de Dakar sont donc à promouvoir et à multiplier car ils permettent d’élargir la compréhension des enjeux de la stabilité et du développement de l’Afrique, de partager des idées et de sortir des sentiers battus pour trouver des réponses à la hauteur des défis complexes qui menacent le continent.
Mesdames, Messieurs
Le thème de cette 7eme Edition du Forum de Dakar est une opportunité unique pour jeter un regard serein sur ces défis qui menacent les perspectives de paix, de stabilité et de développement du continent, mais également et surtout sur la façon dont nous devons répondre à ces menaces.
Notre table ronde sur « Sécurité et développement : impact de la démographie et du changement climatique en Afrique » nous permet de réfléchir ensemble sur ce que beaucoup d’acteurs considèrent comme les défis les plus redoutables face au pari de « l’Afrique Que Nous Voulons ».
Je sais que nos discussions seront riches, et que les faits et les données probantes qui seront au centre de nos échanges inspirerontnos actions futures.
Aussi, il est encourageant de voir que chacun des segments de notre Forum met l’accent surune réalité fondamentale dans le monde d’aujourd’hui. En d’autres termes, nous sommes confrontés à d’énormes défis qui ne peuvent être résolus par aucun acteur à lui seul. Il s’agit du changement climatique et de la dynamique démographique– deux défisdéterminants de notre époque. Il s’agit également de l’emploi des jeunes, del’extension de la menace terroriste ainsi que de la multiplication des conflits armés qui sont deplus en plus imbriqués, et des impacts multiformes de la 4e révolution industrielle.
Nous sommes cependant convaincus que cette 4é révolution industrielle avec l‘intelligence artificielle qui la caractérise permettront aux Etats d’atteindre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Elles constituent un levier essentiel pour créer de la richesse dans le monde. Mais, en même temps, nous risquons de faire face à des mutations importantes sur les marchés du travail entre autres. Il y aura certes de nouveaux emplois, mais certains emplois vont aussi disparaître. Le concept de travail tout comme la relation entre le travail, les loisirs et les autres occupations subiront des bouleversements avec cette 4ème révolution industrielle.
Les pays en développement ne sont passuffisamment préparés à ces mutations, et en Afrique en particulier, les pays ne s’y préparent pas suffisamment. Il est évident que dans ce nouveau contexte nous aurons besoin d’un investissement massif dans le secteur de l‘éducation, et peut être même qu’il nous faudra inventer un autre type d’éducation. Nous avons certainement besoin d’une éducation, non seulement pas pour apprendre à faire les choses, mais aussi peut-être pour apprendre à apprendre parce que beaucoup de ceux qui sont aujourd’hui dans les écoles et les universités seront appelés à exercer des emplois qui n’existent tout pas aujourd’hui et ne sont même pas envisageables aujourd’hui.
Comment y arriver alors que des millions d’enfants (55%) sont privés d’éducation dans le Sahel Central, et que les gouvernements sont obligés de consacrer l’essentiel de leurs ressources financières pour assurer la sécurité de leurs populations, souvent au détriment des dépenses sociales comme celles destinées à renforcer la qualité et/ou la couverture des services de santé.
Par ailleurs, la pandémie de la COVID-19 a créé non seulement une série de défis immédiats, mais aussi des risques à long terme qui menacent de remettre en cause des décennies de progrès. La pandémie de COVID-19 a clairement amplifié les défis existants pour les jeunes et menace les chancesdu continent d’exploiter le dividende démographique.
Alors que cette pandémie se propage à travers l’Afrique, de trop d’initiatives de développement sont ralenties et les moyens de subsistance des populations les plus vulnérables sont menacés.
Bien que presque partout à travers le continent, les gouvernements aient pris une série de mesures pour contenir la propagation du virus, nombre d’interventions très souvent indispensables ont des implications perturbatrices pour les secteurs les plus nécessiteux à savoir la santé, l’éducation et la formation ainsi que la création d’emplois. Il faut reconnaitre que cela affecte les chances de l’Afrique de profiter du potentiel que constitue sa jeunesse.
A cela s’ajoute la forte croissancedémographique qui rend les pays fragiles encore plus fragiles. En effet, la population de l’Afrique subsaharienne continue de croître de 2,7% par an du fait d’une fécondité qui reste toujours élevée (de l’ordre de 5 enfants par femme). Les jeunes de moins de 25 ans représentent 62% de sa population, contre 44% dans l’ensemble des pays en développement et 27% dans les pays développés.
Cette dynamique démographique engendre une forte demande sociale que les gouvernements ont du mal à satisfaire. En effet, comme je l’ai indiqué ci-dessous, plus de la moitié (55%) des jeunes de 6 à 14 ans ne vont pas à l’école. Les quelques filles qui ont la chance d’aller à l’école se marient et n’ont pas la chance d’aller dans le cycle secondaire. Lorsque ce n’est pas le mariage des enfants, c’est l’insécurité croissante qui entrave leur développement scolaire avec la fermeture de milliers de classes.
La population âgée de 6 à 15 ans augmentera de 60 % au cours des 30 prochaines années, passant de 280 millions en 2020 à 450 millions en 2050. Cela signifie que plusieurs millions de salles de classe supplémentaires et plusieurs millions d’enseignants seront nécessaires pour répondre à leurs besoins en matière d’éducation.
Mesdames et Messieurs,
Il y a quelques semaines, j’ai participé au lancement du rapport 2021 sur les menaces écologiques qui met en lumière les défis redoutables à l’horizon et dont les conclusions principales sont :
Nous devons nous sentir interpellés par l’ensemble de ces défis qui nécessitent une réponse collective des États et de la communauté internationale. C’est le souci de prendre en compte les nombreuses interactions et de développer une compréhension plus poussée des schémas et des flux que des évènements individuels qui est à l’origine de nos travaux Démographie, Paix et Sécurité, qui ont pour point de départ le Bassin du Lac Tchad et qui se sont intensifiés dans le Sahel Central.
L’un des résultats de la recherche que nous avons réalisée sur ce sujet a montré que de nombreux pays du Sahel ont un faible niveau de sécurité. Ces pays où les effets duchangement climatique sont plus visibles, ont une dépendance démographique plus élevée par rapport aux autres pays (75% contre 47% en moyenne) avec un taux de chômage des jeunes supérieur de 10 points à la moyenne générale, et avec un niveau d’éducation secondaire deux fois inférieur que la moyenne mondiale. Les résultats montrent également que l’indice de paix et de sécurité se détériore à mesure que la part de la population inactive par rapport à la population active augmente.
Il est également ressortis de nos travaux sur la démographie, la paix et la sécurité au Sahel que dans les pays où le taux de croissance démographique dépasse 2,8% par an et où la moitié de la population a moins de 18 ans, le risque de conflit violent est élevé. Et cela semble être le cas pour de nombreux pays d’Afrique tels que le Mali, le Niger et le Tchad, pour ne citer que ceux-là.
Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a identifié l’Afrique comme le continent le plus vulnérable aux impacts des changements climatiques projetés en raison de la pauvreté endémique qui pèse sur les capacités d’adaptation. L’augmentation de la population est citée parmi les facteurs qui pourraient augmenter le nombre d’individus qui seront touchés par les changements climatiques.
J’ai fait ce long tour d’horizon, qui loin d’être exhaustif, nous donne quand même une idée de l’ampleur des défis à relever pour la stabilité et le développement de l’Afrique, mais également et surtout de leurs interdépendances.
Nous devons nous garder de trop simplifier des phénomènes complexes en s’intéressant davantage aux causes profondes, ou racines, et en adoptant des approches qui privilégient simultanément le traitement symptômes tout comme les interventions qui adressent les causes véritables sans oublier de mener des actions susceptibles de contenir si non d’isoler les accélérateurs. C’est un travail qui demande de la détermination, et nécessite des ressources substantielles qui ne sont pas toujours à la portée des pays.
Vous voyez pourquoi la principale recommandation de l’ouvrage intitulé Goal 17 publié par l’UNFPA porte sur la création d’une Alliance africaine pour le dividende démographique pour répliquer à large échelle les interventions jugées concluantes et capables de concrétiser la feuille de route de l’Union Africaine qui vise à investir dans la jeunesse pour tirer pleinement profit du dividende démographique.
Une nouvelle génération de filets de sécurité sera nécessaire pour les personnes qui auront des difficultés à s’adapter. Nous devons nous assurer que personne ne soit laissé en rade.
A mon humble avis, c’est le caractères integré et stratégique des interventions qui fera la différence. Il s’agira de rompre avec cette culture de de prolifération de petites opérations sans perspectives d’impact à l’échelle et de commencer à travailler ensemble, en véritables partenaires pour faire bouger les lignes.
Mais malgré ces incertitudes qui se dessinent, il y a une lueur d’espoir partout en Afrique.
Lorsque nous travaillons ensemble, nous pouvons réaliser de gros progrès et beaucoup plus rapidement qu’on ne l’espère.
Je voudrais en terminant mon propos en réitérant cet appel lancé par S.E. Le Président Macky Sall lors de la séance d’ouverture de la première Edition de ce Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, je cite : « Poursuivons nos efforts concertés face à nos défis communs. »
Je souhaite que nos échanges soient fructueux et permettent non seulement une lecture et une compréhension communes des défis à relever, mais surtout qu’ils nous permettent d’aboutir à la définition d’une réponse collective et solidaire pour la stabilité et le développement de l’Afrique.
Par Confidentiel Afrique
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