La sortie impromptue et ratée de David Malpass contre les banques multilatérales de développement dont la Banque africaine de développement au premier plan, a confirmé aux yeux de bon nombre d’observateurs que la Banque mondiale est loin d’être l’instrument financier pour faire développer les pays du continent africain.
Vision économique antinomique
En décriant et remettant la fiabilité et la pertinence du profil de la dette africaine contractée sous forme de prêts auprès des guichets de la Banque africaine de développement, David Malpas a poussé de trop le bouchon. Dire que “les banques multilatérales ont tendance à octroyer trop facilement des prêts et, ce faisant, à aggraver les problèmes d’endettement du continent”, est d’une arrogance inouïe envers la banque africaine de développement. Aussi bien pour la symbolique représentée aux yeux des États et populations du continent par cette institution que sa dimension de développement. Pour le moins que l’on puisse dire, il a irrité la Banque africaine de développement qui s’est fendue aussitôt après d’un communiqué de riposte dans laquelle l’institution financière africaine souligne que “les propos de David Malpas sont inexacts et ne sont pas fondés sur des faits. Ils mettent en cause l’intégrité de la Banque africaine de développement, discréditent ses systèmes de gouvernance et insinuent à tort qu’elle fonctionne selon des normes différentes de celles de la Banque mondiale. Une telle idée va à l’encontre de l’esprit du multilatéralisme et de notre travail de collaboration. Pour mémoire, la Banque africaine de développement est respectueuse de normes mondiales très élevées de transparence. Dans le rapport de 2018 de Publish What You Fund, la BAD a été classée 4ème institution la plus transparente au monde.” En effet, la BAD est notée triple A ce qui lui facilite l’obtention de financements à des conditions très compétitives de financer les programmes de développement des pays membres à des conditions favorables.
Presque 50% des approbations de la BAD ont été destinés au secteur des infrastructures. Fin 2018 la banque augmentée la capacité électrique du continent de 447 MW et construit 480 km de lignes de transport d’électricité nouvelles ou améliorées. 390 km de routes transfrontalières construites ou réhabilitées. 14 millions de personnes ont eu accès à des services améliorés de transport. 8,2 millions de personnes ont accès à l’eau potable et aux services d’assainissement améliorés. 1,2 million d’emplois directs créés. 19 millions de personnes bénéficiant de technologies agricoles améliorées. 1 700 tonnes d’intrants agricoles (engrais, semences et similaires) fournis. 154 000 propriétaires-exploitants et MPME ont bénéficé de l’accès aux services financiers. 354 millions d’USD de recettes supplémentaires générées au profit de diffèrents États.
La Banque a déployé le système GMS pour assurer le suivi portant sur l’intégration de critères relatifs au genre dans ses opérations. Des spécialistes du genre font désormais partie des équipes de projet, et de nombreuses opérations de la Banque intègrent une analyse et des plans d’action axés sur le genre. Des opérations d’appui programmatique (1,13 milliard d’UC) ont soutenu les réformes et politiques visant à renforcer la gouvernance.
Dans son rapport 2018 sur le Fonds spécial de secours (FSS) qui informe sur la performance du FSS, on relève que la Banque a approuvé et appuyé 18 opérations de secours d’urgence au titre du Fonds spécial de secours, destinées à faire face à diverses catastrophes naturelles allant des inondations aux épidémies en passant par la sécheresse, l’insécurité alimentaire, les attaques de légionnaires, etc. pour un décaissement total (y compris les engagements) de 16 608 186 USD en contre-valeur) au 31 décembre 2018.
Voilà un programme de financement concret de lutte contre la pauvreté qui place la Banque africaine comme l’une des institutions les plus en vue dans le vaste chantier du développement du continent. En 2018, le montant des approbations s’élevait à 10,1 milliards d’USD soit la moitié des fonds injectés par la Banque mondiale. L’institution installée au bord de la lagune Ebrié à Abidjan en Côte d’ivoire affirme qu’il n’y a pas de risque systémique de surendettement et se dit confiant pour les perspectives économiques en Afrique 2020.
Arrogance et inefficacité
David Malpass, n’est est pas à sa première déclaration malencontreuse contre le multilatéralisme. Pour l’ex-conseiller de Donald Trump, le multilatéralisme va à l’encontre de la souveraineté des Etats, ce qui à ses yeux nuit à la puissance des Etats-Unis. N’est-ce pas lui qui, dans une tribune publiée dans le Financial Times le 7 février 2019, appelait à une libéralisation accrue de l’économie, en prônant moins d’impôts et moins de régulations? Lui qui en sa qualité de chef économiste de Bear Stearns en 2007, invitait à ne pas paniquer à propos de la bulle immobilière, alors que celle-ci allait provoquer la faillite de la banque d’affaires quelques mois plus tard? Ses erreurs d’appréciation sont monnaie courante. En 2010, il estimait que les injections de liquidités de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour sauver l’économie mondiale allaient provoquer une inflation insupportable. Aujourd’hui, grâce à l’intervention de la Fed, l’économie américaine jouit l’une croissance soutenue.
“L’Afrique n’est pas obligée de suivre les politiques” des Institutions financières comme la Banque mondiale déclare Rama Yade qui ajoute que “les Institutions de Bretton Woods ne développeront pas l’Afrique à sa place et qu’il appartient aux Etats africains de veiller à leur souveraineté; c’est-à-dire leur capacité d’action, et de décision, sur le plan militaire, culturel, politique et économique.”
On comprend donc aisément que la sortie ratée de David Malpass n’a d’autre visée que le sabordage de notre seul instrument et bras financier de l’économie africaine, qu’est la Banque africaine de développement.
Par Pierre René (Confidentiel Afrique)
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