
L’incertitude socioéconomique, l’insécurité des investissements ainsi que l’insécurité juridique et judiciaire ont pesé pendant longtemps sur les investissements en Afrique. L’insécurité juridique s’expliquait principalement par la vétusté des textes juridiques en vigueur, l’incomplétude de ses textes ainsi que des mouvements de revendication des Etats africains. Ces Etats ont remis en question des textes de loi d’inspiration coloniale et mis en marche des réformes avec des connotations culturelles et traditionnelles, ce qui relève plusieurs challenges et obstacles dans la mise en œuvre de ces lois et pose des difficultés de validités et d’applications.
Toutefois, des garde-fous considérables ont été mis en place depuis plusieurs années pour accompagner les investissements en Afrique. Notamment les pays d’Afrique subsaharienne francophone ont créé une communauté économique en 1993 pour l’harmonisation du droit des affaires. C’est ainsi que nous avons vu naître le traité d’Harmonisation Du Droit Des Affaires en Afrique, en abrégé OHADA. Ce dit Traité a été ratifié le 17 octobre 1993 à Port Louis et révisé le 17 octobre 2008.
Quels sont les pays membres d’OHADA?
Dix-sept pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale adhèrent à l’OHADA, soit une population de 272 millions d’habitants qui bénéficient de règles communes de l’OHADA. La République Démocratique du Congo (RDC) est le 17eme et dernier État a avoir rejoint l’organisation en 2012. A présent,l’OHADA regroupe les pays suivants :
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, République du Congo, RDC, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo.
Est-ce que tous les États africains peuvent être membres de l’OHADA?
L’adhésion, selon l’article 53 du Traité, est ouverte à tout État membre de l’Union africaine. Néanmoins, la culture du droit civil français de l’OHADA crée une barrière pour les pays anglophones, qui ont plutôt une culture de Common Law. De plus, l’article 42 du Traité déclare que la langue de travail et la langue de rédaction des Actes est le français. Vu ces obstacles, les anglophones doivent non seulement s’adapter à la culture du droit civil, mais doivent aussi traduire les textes. Les pays de la Common Law sont ainsi très réticents vis à vis du droit de l’OHADA. La preuve en est que tous les 17 Etats parties sont francophones et partagent le même régime juridique, à l’exception de trois pays : la Guinée Bissau (lusophone), la Guinée équatoriale (hispanophone) ; deux pays enclavés en Afrique francophone ayant un systèmejuridique de droit civil, et le Cameroun qui est bilingue, Français/anglais et où coexiste la Common Law.
Quel est l’objectif de ce Traité et comment sécurise-t-il les contrats ?
Cet organisme a pour but de rationaliser l’environnement juridique des entreprises, afin de garantir la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques, dans la perspective de stimuler l’investissement et de créer un nouveau pôle de développement en Afrique. Cela protège et maintient les infrastructures modernes et fiables des droits de propriété et donne une sécurité contractuelle qui nécessite, comme le dit si bien Olivier Wendell Holmes, de comprendre dans quelle circonstance et jusqu’où les investisseurs sont prêts à prendre des risques qui sont beaucoup plus grands qu’eux.
Ainsi le Traité poursuit les objectifs suivants : mettre à la disposition de chaque Etat des règles communes simples, modernes, adaptées à la situation économique ; promouvoir l’arbitrage comme instrument rapide et discret des litiges commerciaux ; améliorer la formation des magistrats et des auxiliaires de justice; préparer l’intégration économique régionale.
Instaurer un climat de confiance a aussi été mentionné dans le Traité comme l’un des objectifs de l’OHADA, car si la confiance règne, une certitude juridique règnera aussi. C’est ainsi que l’OHADA est devenue un véritable modèle d’intégration régionale pour tous ses Etats membres.
Il est notamment important de noter que la certitude juridique est renforcée par la nature internationale de ses lois. Les pays ne peuvent pas y apporter de changements sans accord des autres membres. C’est ainsi que le préambule de l’OHADA mentionne la certitude comme étant l’un des objectifs. En effet, selon l’article 10 du traité constitutif de l’OHADA le droit de l’OHADA bénéficie d’une suprématie sur le droit interne des États membres, ce qui donne de l’assurance aux investisseurs.
De plus pour rassurer de l’application effective de ses règles, la Cour Commune de Justice et d’arbitrage (CCJA) a été mise en place. L’article 14 du traité de l’OHADA dispose que : « La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application communes du présent Traité, des règlements pris pour son application et des Actes uniformes ».
La CCJA peut être saisie par voie consultative par tout Etat partie ou par le conseil des ministres sur toute question relative au droit de l’OHADA. Il en est de même pour les juridictions nationales en cas de contentieux relatif au droit de l’OHADA. Elle peut aussi être saisie par voie de recours en cassation contre les décisions rendues par les Cours d’appels nationales pour toute question relative aux Actes uniformes, sauf celles relatives au droit pénal. La saisine de la CCJA suspend toute procédure en cassation engagée devant les juridictions nationales contre la décision attaquée, néanmoins cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution.
Nous pouvons de ce fait conclure que les mécanismes ont été mis en place pour minimiser les risques des parties en relations d’affaire et assurer la sécurité juridique, la stabilité et la prévisibilité dans les contrats d’affaires dans l’espace OHADA. Ceci nous montre une volonté politique croissante de sécuriser le droit des affaires en Afrique, principalement francophone. En revanche, il est important que l’investisseur s’assure de la bonne rédaction du contrat, de ce fait il est conseillé d’avoir un avocat spécialisé dans le domaine des contrats d’affaires, dès l’initiation des négociations.
Nous avons examiné l’espace OHADA, prochainement nous examinerons de près les mécanismes mis en place dans les pays anglophones pour sécuriser vos contrats d’affaires.
Bio-Express de l’auteure
Me Nancy Katambala est Avocate bilingue franco-anglais, croit fermement à une Afrique forte, émergente et autonome. Britannique d’origine congolaise, elle vit et exerce en Grande Bretagne son métier d’avocat avec plus de 16 ans d’expérience dans ce domaine.
Spécialisée en droit civil, droit des affaires, droits de l’Homme, droit des étrangers et droit de la famille, elle estaussi Senior Legal Advisor dans la société Africa Business Solutions, spécialisée dans l’accompagnement et le développement de projets en Afrique.
Me Nancy Katambala vise à capitaliser et à mettre à la disposition des entreprises un savoir-faire acquis dans le domaine du management, de la conduite des projets et surtout du développement commercial en Afrique.
Au-delà de plaider la cause de ses clients dans les tribunaux, faire de l’accompagnement juridiques et les conseiller, elle se plait aussi à clarifier les situations, privilégier les négociations,afin de mieux sécuriser les personnes et les entreprises qu’elleaccompagne.
A travers sa page Facebook, elle coache et donneactuellement des conseils juridiques sous l’appellation « La loiSimplifiée ». Cette initiative lui permet de faire profiter à unlarge public ses connaissances sur le droit et les obligations de chacun, car l’ignorance n’est point une défense.
Amoureuse du respect des droits de l’homme et valorisation de la jeunesse africaine entreprenante, elle accompagne les entreprises en vue de renforcer les capacités et structures économico-socio et culturel de l’Afrique.
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