Une bataille pour le convoité fauteuil du patron des patrons du Burkina est engagée au sein du Conseil national du patronat burkinabè (CNPB). Mis en place depuis 2018, le bureau sortant de l’organisation faitière des employeurs, dirigé par l’homme d’affaires, Apollinaire Compaoré, 70 ans, boucle un mandat de cinq ans, ouvrant la voie au renouvellement des instances. Ce processus à plusieurs étapes a été entamé depuis le 15 septembre 2023 dans la sérénité. Mais l’atmosphère n’a pas tardé à se tendre, puisque les ambitions individuelles ont refait surface. Alors qu’un consensus avait été trouvé, selon toute vraisemblance, autour du maintien d’Apollinaire Compaoré, qui a droit à un second mandat, à la tête du CNPB, le banquier Idrissa Nassa, 59 ans, patron de la méga banque panafricaine Coris Bank International s’est lancé à la conquête du trône. Il a créé la surprise, en déposant sa candidature, dans les derniers moments, le 17 octobre dernier, conformément au chronogramme établi pour le renouvellement des instances pour la mandature 2024-2028 de la CCNPB. Le banquier constellé Idrissa Nassa joue gros, glissent des sources proches du Patronat burkinabè en affrontant le pachyderme Appolinaire Compaoré et compte défendre becs et ongles les couleurs de l’Alliance pour un patronat nouveau (APN), composée d’une soixantaine d’associations.
Pas de consensus, guerre ouverte
Le consensus observé lors de l’élection de 2018, qui avait d’ailleurs profité à Apollinaire Compaoré, ne sera pas renouvelé. Il a bel et bien volé en éclats. La candidature du fondateur du groupe Coris Bank International (CBI), qui en réalité murissait son projet depuis un moment, selon certaines indiscrétions, a semé le trouble dans le cercle des patrons. Deux clans ont émergé avec les manœuvres de déstabilisation que cela implique : les pro-Nassa et les pro-Compaoré. Des écrits publiés sur les réseaux et attribués à des partisans de Nassa, accusent Apollinaire Compaoré de vouloir monopoliser le CNPB et d’avoir entrepris des démarches auprès des hommes d’affaires et des autorités dans l’intention d’obtenir le report de l’élection et la prolongation de son mandat. Une correspondance particulière, publiée le samedi 21 octobre dernier sur le site d’information en ligne, www.lefaso.net, cite sous anonymat un conseiller du bureau sortant qui réagit à cette supposée campagne de dénigrement. « Je pense que ceux qui ont décidé d’affronter le Président Apollinaire Compaoré à cette élection doivent comprendre que ce n’est pas la guerre et éviter cette animosité. Toute personne qui cherche à se faire élire président du patronat souhaite le bien de l’institution. Pour cela, c’est à la loyale qu’il doit mener sa campagne et gagner à la loyale. Une victoire à la Pyrrhus n’honore pas son bénéficiaire. Il faut rester élégant dans son attitude et éviter de donner des coups en dessous de la ceinture », soutient-il dans l’écrit.
Cette correspondance particulière, qui émane vraisemblablement du camp d’Apollinaire Compaoré, fait mention d’une tradition de respect des devanciers par les plus jeunes. Comme pour dire, que Idrissa NASSA a brulé la politesse au président sortant, qui est son ainé.
Si leurs partisans s’attaquent sur la toile, les deux richissimes opérateurs économiques gardent le silence de part et d’autre. Les électeurs devront les départager dans les urnes, à cette assemblée générale élective qui se tient ce mardi 24 octobre, dans un contexte plus ou moins explosif. Apollinaire Compaoré compte certainement sur son bilan pour rempiler. Sous son magistère, clament ses partisans qui n’ont de cesse de louer son dynamisme, le CNPB est sorti de la léthargie dans laquelle elle se trouvait pour la rendre plus visible dans le paysage institutionnel. Ils évoquent aussi la mise en route d’une importante initiative au profit des jeunes, le Programme d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage(PAFPA) d’un montant de plus de 4 milliard FCFA.
Au titre des acquis d’Apollinaire Compaoré, figurent aussi la tenue à deux reprises des Rencontres des Patrons Africains du Burkina(REPAB) et son implication dans le processus de relecture du Code du travail.
Les béquilles du jeune postulant NASSA
Idrissa Nassa rêve lui de prendre les commandes du CNPB et d’en faire une organisation de référence. Son programme de gouvernance est bati autour de cinq points. Il s’agit notamment de la redynamisation du CNPB, de l’instauration d’un partenariat dynamique avec l’administration publique, du renforcement des relations avec les partenaires sociaux, du développement des capacités des PMI/PME et le de celui d’un nouveau partenariat à l’international. Aura-t’il les coudées franches pour déboulonner le »Vieux » Appolinaire Compaoré ? Cette élection tendue qui s’ouvre ce mardi revêt des enjeux politico-financiers gigantesques où deux camps s’affrontent : celui de la continuité et de la rupture.
Par Ismael AÏDARA et Hippolyte GOURMANTIER (Confidentiel Afrique)
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