Le vent tourne. Sous les études d’une tempête sociale, Ali Idrissa joue son va-tout. Lui l’enfant prodige d’un quartier de Niamey (capitale du Niger), qui a su imposer sa marque de fabrique. Au prix d’une vie rigoriste où seuls les brillants sujets sortent la tête de l’eau. Ali Idrissa incarne les deux caractères: celui d’un résistant repoussant le bling bling ostentatoire d’une oligarchie politique et industrielle et d’un éternel apôtre au chevet de la société opprimée, brimée. Qu’on l’aime ou pas, Ali Idrissa est une voix qui compte au Niger. Une pièce indéboulonnable dans le puzzle des ultra- combattants de l’injustice, à la quête d’une liberté d’expression, d’une démocratie vivante et des droits humains. Aux côtés des poignets de fer, Mounkaila Halidou, à la tête de la grande force syndicale d’éducation du Niger et l’intrépide Nouhoum Arzika. À la tête d’un Groupe de presse RTL ( Radio Télévision Labari ) qu’il a fondé en 2012 et qui caracole au hit parade de la médiatrie, Ali Idrissa a compris une chose: donner la parole aux citoyens est un puissant baromètre pour transcender le mal vivre des nigériens. Il multiplie ses sorties pour fustiger les pratiques peu orthodoxes de dignitaires de la République d’en haut. Son discours s’adresse plus à l’oligarchie. Loi des Finances, cadeaux fiscaux aux compagnies de téléphonie opérant au Niger, l’affaire Areva Gate, confiscation des libertés, etc.. sont sur le compteur du jeune entrepreneur.
Dans un art oratoire magistral civilisé et captivant, dépouillé de vulgarité et de violence verbale. C’est sans doute le grand secret de son talent. Ali Idrissa est aussi à l’épreuve des turpitudes d’un environnement industriel implacable qui piétine le bas peuple et s’obstine à redistribuer les dividendes de sa richesse. Le ROTAB qui lui sert de trépied depuis plusieurs années à travers sa formule de vœu pieu « Publiez ce que vous payez » fait de Ali Idrissa une voix audible au delà des frontières du Niger. Homme de réseaux, bien introduit dans les chaumières des think tank et des officines diplomatiques de Paris à Durban, le jeune chef d’entreprise s’efforce à rester un citoyen solidaire du monde.
Une après midi de » Kopto » à la pintade braisée à la ferme d’Ali
À la sortie de Niamey, sur la route de Namaro ( village du Général Salou Djibo, ancien Président du Niger ) et du Burkina, se dresse dans une broussaille zigzag au bric broc la ferme d’Ali Idrissa. Ce militant nigérien des causes sociales justes. De passage à Niamey, l’ami Ali Idrissa me fit l’honneur de partager un copieux dîner avec lui et une poignée d’amis ( chercheurs, universitaires, syndicalistes, leaders de la société civile). Autour de petits fours de méchoui bien assaisonné et de grillade de pintades à la sauce tomate farcie mélangée avec du » kopto », cette feuille verte célèbrement appelée au Mali, en Mauritanie et au Sénégal » Hako « , réputée pour ses vertus médicinales d’anti- diabète, les invités ouvrent le mercato. Politique nigérienne sous les feux de l’actualité, géopolitique internationale, élections présidentielles en Afrique qui se profilent à un horizon proche, leaders modèles d’un continent émergent, sont passés à la moulinette. Une discussion sur fond de positions tranchantes mais politiquement correctes. Ça volait haut. Un tour de table sans modérateur riche en enseignements, respectant les codes de bonne civilité urbaine. En académie, on parle de fertilité croisée. Chez Ali, le fervent soldat de la démocratie, quand le soleil se couche sur son verger perdu dans la brousse, après une journée remplie, les visiteurs s’essayent à refaire le monde. À satiété. Pendant des heures d’horloge, il n’a cessé de nous balancer ce compliment avant de le quitter un peu avant minuit 30 mn, dans un brin de franchise et d’honnêteté : << Vous êtes pour moi une référence. Vous êtes un journaliste africain de haute facture >>. Ali, l’ami, l’artiste !.
Ismael AIDARA, envoyé spécial à Niamey
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