La rivalité qui opposait Libreville et Douala pour abriter la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale revêtait un caractère politique entretenu par des conflits de leadership masquées. C’est en 2004, en effet, que la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) avait retenu Libreville pour abriter la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale. Dans le même temps, le Cameroun principale économie de la sous-région avait créé la sienne, appelée Douala Stock Exchange dans sa capitale économique. Un choix qui entrait directement en concurrence avec la place gabonaise.
Aujourd’hui, la rivalité s’est achevée fin 2017 à la suite du transfert de cette Bourse de Libreville à Douala.
La Conférence de Chefs d’Etat a décidé de fixer le siège du Régulateur du marché financier régional à Libreville et celui de la Bourse des valeurs régionales à Douala. Elle a désigné la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) comme dépositaire central ». Aujourd’hui, la page est tournée.
Le rappel des faits
Au cours d’une réunion de la CEMAC tenue en 2016 à Malabo en Guinée Equatoriale, les deux pays avaient été appelés à s’entendre pour maintenir une seule bourse sous-régionale. Les deux places boursières se livraient une bataille sans merci. C’est à Douala que s’effectueront toutes les opérations boursières de la sous-région. Ce qui devrait étoffer le marché et encourager les entreprises qui hésitaient encore à faire leur entrée en bourse.
Créée le 27 juin 2003 à Libreville, la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC) avait connu un démarrage pénible avec finalement un début d’activités fin août 2008. Sa première cotation hebdomadaire est intervenue le 2 septembre 2008. Un début qui mit fin à toutes les supputations qui entouraient la création de la bourse de Libreville.
Un communiqué officiel précisait d’ailleurs que « désormais tous les souscripteurs à l’emprunt obligataire émis par l’Etat gabonais peuvent négocier leurs titres en Bourse en vendant partiellement ou totalement les obligations acquises ou en achetant de nouvelles obligations pour renforcer leur portefeuille ».
Genèse de la BVMAC
La création de la BVMAC est née d’un constat établi, en novembre 1994, par la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) de l’absence d’un instrument approprié de financement des investissements longs dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui regroupe le Cameroun, le Congo, le Gabon, la République Centrafricaine, la Guinée Equatoriale et le Tchad.
« L’absence de culture boursière est un frein au développement de la bourse des valeurs. Il faut éduquer les populations, les opérateurs économiques et les investisseurs au rôle et au fonctionnement de la bourse… », estimait feu Jean-Félix Mamalepot, ancien gouverneur de la BEAC, dont le siège se trouve à Yaoundé, la capitale administrative du Cameroun.
Fondée le 27 juin 2003 (avec un capital de 1,899 milliard de francs CFA détenu par les banques, les sociétés à portefeuille holding et les compagnies d’assurance) après une décision de 2000 de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la BVMAC a mis cinq ans pour coter son premier titre : une obligation de l’Etat gabonais de 100 milliards de francs CFA (2007-2012, 5,5%, 152 millions d’euros) financée à hauteur de 82 milliards de francs CFA (125 millions d’euros) par des capitaux de la région (Gabon 40%, Guinée équatoriale 20%, Cameroun 15%…).
Pour les entreprises, la Bourse est un instrument essentiel pour le financement du développement économique, notamment pour les Petites et moyennes entreprises (PME). C’est également le moyen pour les dirigeants de valoriser leur patrimoine en le rendant liquide. Plus amplement, grâce aux systèmes de stock-options, pourtant fortement décriés, cela permet d’intéresser le management au succès de l’entreprise avec un mécanisme réellement attractif car la liquidité d’un titre coté valorise réellement les actions. C’est ce que s’emploie à mettre en place la BVMAC.
Pour le spécialiste à la Banque Mondiale, André Ryba, « le siège de la Bourse des valeurs s’apparentera à l’endroit où il y a le tissu industriel le plus développé et à celui où il y a le plus de transactions. C’est une logique économique qui va être suivie ».
Le Cameroun (avec plus de 23 millions d’habitants en 2016 et le Gabon (1,9 million d’habitants en 2016) dont plusieurs sociétés ont adhéré au Groupement des industriels du Cameroun (GICAM) répondait , sans détour, à ce profil.
Mais en définitive, le lieu de le Bourse, c’est simplement un ordinateur central avec des organes de direction…
Le temps n’est plus aux tergiversations, mais à l’action et la CEMAC doit rattraper son retard par rapport à l’Afrique de l’Ouest où il existe une Bourse des valeurs mobilières fort active.
Par Hugues DESORMAUX
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