Avec le boom pétrolier des années 70, le Gabon pouvait couvrir tous ses besoins et s’était d’ailleurs lancé dans des investissements lourds mais non rentables sur le long terme. L’épineuse équation de la résolution de la collecte des ordures ménagères au Gabon – à laquelle fait face la société AVERDA– n’a jamais trouvé de solutions par une multitude de sociétés du secteur depuis les années 1990. Le manque de civisme des habitants a, depuis, accentué l’insalubrité de la capitale, Libreville, où vit plus de la moitié de la population du pays.
L’Etat-major d’AVERDA est dépassé par les promesses de paiement non tenues par les autorités gabonaises.
Dette de 16 milliards de FCFA
Avec une dette initiale de 16 milliards de francs CFA à reverser à AVERDA, l’Etat gabonais n’a pu régler que 1,5 milliard de FCFA avec une promesse, non encore tenue, de solder sa dette. La timide et épisodique reprise de la collecte des ordures ménagères à travers Libreville ne semble pas motiver les employés d’AVERDA, dépassés par la situation chaotique dû au défaut de règlement et à l’accumulation des déchets, amplifiée par le manque de civisme des populations qui déposent leurs ordures à même le sol, l’usage des sacs à poubelle n’étant pas, à la majorité, l’apanage des reflexes des ménages africains…de Libreville.
Les dirigeants d’AVERDA de Dubaï à Libreville
Autour du 20 mars dernier, le ministre du Budget et des Comptes publics, Jean Fidèle Otandault, s’était entretenu à Libreville avec les dirigeants d’AVERDA dont le Directeur du Développement, Nicolas Achkar, afin d’apporter une solution au problème des ordures ménagères. Ce dernier avait déclaré à la presse : « Nous avons évoqué le problème de finances pour la société AVERDA. On a pu avancer et AVERDA (…) va reprendre le travail. On a réitéré notre engagement pour le Gabon. Nous avons pu débloquer la situation avec un paiement de 1,5 milliard de francs CFA pour la société ». Par rapport à la dette de 16 milliards de F CFA, la somme de 1,5 milliard de F CFA a été qualifiée d’insignifiante par un député à l’Assemblée nationale et il a souhaité que d’autres versements plus réguliers soient exécutés en faveur d’AVERDA afin qu’elle mène au mieux sa mission.
Renseignements pris par Confidentiel Afrique, le processus du règlement de la dette des entreprises se ferait efficacement via le Groupement d’intérêt économique(GIE) Club de Libreville est le suivant : Les entreprises doivent apporter la preuve que la créance qu’elles prétendent détenir sur l’Etat est exigible, liquide et certaine. Si ces trois conditions sont réunies, AVERDA peut demander aisément un remboursement de la part de l’Etat gabonais. Dans ce cas, la Direction générale du Budget et celle de la dette délivre à AVERDA une attestation de créance. Une fois en possession de ce document, AVERDA se rend au cabinet Pricewater House Coopers, pour signer son bulletin d’adhésion au GIE Club de Libreville, munie de son relevé d’identité bancaire et de tous les documents juridiques. Munie de cette adhésion, AVERDA aura le choix de se faire payer de deux manières. Soit par mensualités, pendant 5 ans, sur la base des sommes versées au GIE Club de Libreville par le Trésor public.
Soit par cession totale ou partielle des créances par l’adhérent à la Banque de son choix, via le GIE Club de Libreville. Sur le dernier mode de paiement, une décote de 15% maximum est appliquée. En cette période de crise, le rééchelonnement de la dette à l’Etat s’élève à 310 milliards de F CFA. Et le taux d’intérêt que l’Etat aura à payer est de 5,5%.
La Direction d’AVERDA reste dubitative face à l’administration gabonaise
Le Gabon dispose à l’étranger, à la suite des détournements individuels des agents de l’Etat, et des enrichissements illicites, autant d’argent que la dette intérieure qui bloque l’économie d’un petit pays de 1,6 million d’habitants. Pour une grande partie de la classe politique gabonaise et pour la population en général, la situation que vit la société AVERDA qui collecte les ordures ménagères représente un scandale de trop.
Elle met en doute la parole donnée par les autorités gabonaises auprès des sociétés qui apportent leur savoir-faire au Gabon. D’après le Directeur général du Budget et des Finances publiques, Fabrice Andjoua Bongo Ondimba et le président du Groupement d’intérêt économique (GIE) Club de Libreville, Henri-Claude Oyima, une convention signée le 13 février 2018 permettrait d’apurer rapidement la dette intérieure. Le mécanisme de rachat des créances a bel et bien démarré. Mais il n’a pas été possible de se voir signifier des délais précis de règlement.
Le manque de civisme des populations qui jettent les ordures au sol même si les poubelles réservées à cet effet ne sont pas pleines, traduit la difficulté de résoudre pour le long terme la collecte des ordures au Gabon. Cette attitude des populations complique très sérieusement le travail des éboueurs qui doivent déployer des efforts énormes et se faire aider par des engins des Travaux Publics pour collecter les ordures ménagères dans des conditions de circulation automobile difficiles.
En cette période de grandes pluies, des conséquences lourdes sont à déplorer car l’environnement est favorable à la prolifération des moustiques et des mouches, des oiseaux du littoral marin. L’accumulation des ordures parfois sur la voie publique constitue à ne point douter un problème de santé publique dont l’Etat a le devoir de trouver rapidement une solution. Les aliments exposés sur les trottoirs ainsi que les viandes vendues à l’air libre, sans protection, constituent également de sérieux vecteurs de maladies pour les plus vulnérables.
L’accumulation des ordures déborde sur certaines artères secondaires de la capitale gabonaise au point que la circulation automobile se trouve ralentie au grand mécontentement des conducteurs. Les mouches, les moustiques, les cafards et les vers sont des insectes chargés de la prolifération de ces maladies, à partir des eaux polluées des puisards, des marres, des caniveaux, et des tas d’ordures.
Une première constatation est que le régime a installé depuis plus de 40 ans un système de corruption qui a détérioré les finances publiques et donc la capacité régulière de l’Etat à payer les entreprises. En 2016, les recettes du Gabon avaient baissé de 17% du PIB, selon Moody’s à cause du choc pétrolier.
Si Moody’s évoque deux raisons à la base de la note du Gabon, la détérioration des finances publiques, en raison de la chute des prix du pétrole combinée à une capacité d’ajustement politique limitée et les pressions aiguës de liquidité qui s’exercent sur le gouvernement gabonais. La capacité du gouvernement à refinancer sa dette intérieure qui a atteint environ 12% du PIB à la fin de 2016, est limitée en raison de la demande accrue de financement émanant des autres pays de la CEMAC, dont 5 sur 6 sont également exportateurs de brut. Les sorties du Trésor du Gabon sur le marché régional ont été particulièrement volatiles ces derniers temps et parfois bien en dessous de 100%.
Enquête exclusive de Hugues Desormaux
FOCUS sur la Gestion des ordures ménagères au Gabon dans les années 70
Jusque dans les années 1970, la gestion des déchets et autres ordures urbains, incombait aux collectivités locales. Pour ce qui est de la ville de Libreville, ce sont des camions bennes à ordures de la mairie, qui parcouraient la ville chaque jour pour procéder à la collecte des ordures. C’est à la faveur de la décision d’un partage de compétences en la matière, entre la mairie et le ministère des TP par le gouvernement, que plusieurs sociétés privées seront adjointes au service municipal, à travers l’octroi du marché de ramassage d’ordures aux opérateurs principaux que furent, La Société Gabonaise d’Assainissement (SGA), Antogone et Gabon Propre Service (GPS). C’est en juin 2002 que, suite à une grève des éboueurs pour non respect des engagements par l’Etat gabonais, que les autorités qui avaient à leur portée la Société ivoirienne de Valorisation des Ordures Ménagères au Gabon (SOVOG) décidèrent de signer sous forme de sanction infligée aux entreprises locales, une convention dont les termes n’ont pas été respectés avec cette société, causant ainsi la fermeture de plusieurs sociétés à capitaux locaux. De 2002 à 2013, le constat est désolant et les populations de Libreville vivent en permanence, sous la menace d’une épidémie causée par l’état d’insalubrité dans laquelle se trouve Libreville.
L’Etat gabonais était devenu, à hauteur de 70%, actionnaire majoritaire de la SOVOG qui bénéficiait déjà d’une subvention de Quatre milliards cent quatre vingt onze millions (4 191 000 000) de FCFA, via la mairie de Libreville.
La mauvaise gestion, source des maux qui minent le Gabon
<< Dans les années 1970, l’économie gabonaise avait été dominée par les activités forestières >>, expliquait un rapport publié par la Direction générale de l’économie. Une quarantaine de compagnies pétrolières, dont une douzaine opératrices, se partageaient le domaine minier gabonais. Les trois compagnies leaders sont Total Gabon, Shell Gabon et Perenco. Dans les années 1970, l’économie gabonaise avait été dominée par les activités forestières, avant que le pétrole ne prenne le relais et accroisse les revenus de l’Etat. En même temps s’est amorcé un exode rural important vers les grandes villes, dont Port-Gentil, et l’afflux des ouvriers étrangers vers le secteur pétrolier.
Un paradoxe demeure : l’Etat n’a pas assez investi durant une quarantaine d’années, privant ainsi une population des retombées du pétrole et de l’opportunité d’un nouveau départ. Or, les réserves de l’or noir s’épuisent.
En même temps, sur le plan national, de profonds déséquilibres ont été engendrés par la dégradation de l’économie. La mauvaise gestion financière, l’affectation non transparente des ressources pétrolières, la non-application des mesures souhaitées par les bailleurs de fonds et la répartition inégale des revenus du pays ont créé des poches de pauvreté, de même, l’inflation et la marginalisation d’une grande partie de la population dans le pays. Pendant de nombreuses années, la mauvaise répartition de la manne pétrolière et le train de vie dépensier du gouvernement, ont ouvert la voie à l’enrichissement illicite…. Et à une forme de perte de l’autorité de l’Etat.
RSS