Curieux, très curieux le discours du président de la République annonçant qu’il renonçait à se lancer dans la bataille pour l’éventualité d’un second mandat ! Un discours à l’image de son quinquennat : totalement schizophrénique, expliquant qu’il avait réussi plein de choses au mieux de la conjoncture et du contexte international, raison pour laquelle il ne se représenterait et sans préciser clairement qu’il permettait ainsi à la primaire du PS de se tenir dans des conditions à peu près « normales » …
Toujours est-il qu’avant d’arriver à cette fameuse annonce du jeudi 1er décembre, le bras de fer entre l’Elysée et Matignon a fait des ravages et provoqué quelques dégâts collatéraux. Le lynchage médiatique déconstruit par notre Editorient de cette semaine s’inscrit dans les coulisses de cette sourde lutte qui, depuis l’été dernier, a opposé l’Elysée et Matignon pour l’investiture socialiste à l’élection présidentielle. « Certes, le Président reste maître du temps, mais Manuel est prêt », commentait récemment un conseiller du Premier ministre. Et « être prêt » signifiait disposer des fonds nécessaires à la compétition. Deux types de bailleurs de fonds étaient alors susceptibles de répondre aux collecteurs de pièces jaunes : les monarchies du Golfe et les pays africains. Les premières étaient déjà clairement engagées avec l’Elysée. Pour les seconds, la messe était loin d’être dite…
Retour sur images : c’est bien ce qui explique la grande colère de François Hollande lorsque – le 29 octobre dernier, sans crier gare – Manuel Valls s’envole pour le Togo et la Côte d’Ivoire. Un mois auparavant Manuel Valls a donné une interview à « Jeune-A-fric » qui a déjà mis à cran les gens de l’Elysée. Manuel Valls y dresse les louanges des grands démocrates que sont Ali Bongo, Idriss Déby et Macky Sall qui ne sont plus tout à fait en odeur de sainteté au Château… L’insubmersible Stéphane Fouks – actionnaire principal de l’agence de communication Havas Worldwilde (ex Euro-RSCG) – est à la manœuvre et actionne tous ses réseaux Françafrique-new-look ! Il s’agit prioritairement de mettre la main sur les anciennes chasses gardées de Nicolas Sarkozy et, par conséquent, de « dézinguer le Squale qui connaît la musique… », explique un porte-flingue de Matignon.
Dans cette logique, les mêmes qui trouvaient « normal » que l’ancien secrétaire général du Quai d’Orsay – Gérard Errera – parte du jour au lendemain pantoufler chez Blackstone – un fonds d’investissements américain pour l’Europe -, tout en manifestant des hauts le cœur à l’encontre de Manuel Barroso en partance pour Goldman Sachs, se mettent à tirer à boulets rouges sur Bernard Squarcini. Ce dernier, – crime de lèse-majesté – continuerait à recevoir les revues de presse de son ancien service… « Si on devait suivre cette logique, nous devrions embastiller les trois-quarts de la haute fonction publique française », comment un juge de l’ancien cabinet de Christiane Taubira.
Aux côtés de Stéphane Fouks s’agite un personnage très haut en couleurs : Ibrahima Diawadoh N’Jim. Ce Mauritanien d’origine, ancien chauffeur de limousines de luxe, est devenu le conseiller Afrique de Matignon. Il a souvent « transporté » le directeur de cabinet de la présidence gabonaise – Maixent Accrombessi – et bien d’autres notables de Libreville mis à l’index par Jean-Yves Le Drian pour des affaires de commissions dans plusieurs marchés liés à la Défense. Un autre proche du régime gabonais entre dans la boucle : le ministre ivoirien de l’Intérieur Hamed Bakayoko. Cette proximité amène Manuel Valls a déclarer à Jeune-A-Fric qu’il « faut faire confiance à Ali Bongo » qui ravira à Jean Ping sa victoire pourtant incontestable à la présidence de la République gabonaise…
Grand maître de la Grande Loge de Côte d’Ivoire (GLCI), Hamed Bakayoko devient un intime du locataire de Matignon auquel il ne manque jamais de rendre visite lorsqu’il passe à Paris. Cette prise de guerre est d’autant plus stratégique que Bakayoko connaît bien Bernard Squarcini avec lequel il a beaucoup échangé sur des questions de terrorisme et de sécurité. Pour Matignon, il s’agit de mettre la main sur deux autres interlocuteurs du Squale : Jean-Dominique Okemba (surnomé JDO), patron des services congolais et un autre fidèle du président congolais – Jean-Yves Ollivier -, ancien gendarme de Jacques Chirac, ex-barbouze devenu expert des diplomaties parallèles.
Jamais à court de contacts et de ressources, Jean-Yves Ollivier met à profit sa proximité avec le Premier ministre de Mauritanie pour ouvrir les portes de Nouakchott à Manuel Valls devenu le grand ami du Général-Président Aziz. Enfin, cette drôle de galaxie intègre un autre grand équilibriste : le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le parlement, Jean-Marie Le Guen, Strauskhanien et fidèle de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, qui accompagne toujours Manuel Valls lors de ses déplacement africains… Sans oublier l’ex-fabusien reconverti dans les affaires : Alexandre Medvedowski, autre habitué des nouvelles équations matignonesques.
La photo de famille ne serait pas complète sans le président du Togo Faure Gnassimbé et son jeune ministre des Affaires étrangères Robert Dussey, évangéliste qui ouvre toutes les portes du marché régional de la sécurité aux entreprises israéliennes ainsi qu’à leurs services d’Intelligence économique…
Il est parfaitement clair qu’avec cette brochette de grands humanistes, il était devenu parfaitement insupportable que Bernard Squarcini continue à téléphoner à quelques-uns de ses vieux amis africains…
Chronique signée Etienne Pellot
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