Le conseiller et financier sénégalais, Barthélémy FAYE, une des têtes pensantes du prestigieux cabinet américain Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, multiplie les maladresses à NDjaména (capitale du Tchad) et semble selon des sources bien introduites avoir trouvé une onctueuse »vache à lait » dans les décombres du régime légué par le défunt maréchal Idriss Déby Itno à son fils Mahamat Idriss Déby Alias KAKA. Amené par le ministre tchadien des Finances, Tahir Hamid Nguilin au coeur des »affaires délicates » de la République, le cabinet Cleary Gottlieb est devenu en trois ans le « chouchou » du palais présidentiel et de la Tour des Finances de NDjaména, déclenchant une série de procédures d’arbitrage à l’encontre de l’État tchadien. Pour combien de temps encore, pendant que l’économie est au creux de la vague et les dégâts financiers foisonnent à haute amplitude? Confidentiel Afrique a enquêté. EXCLUSIF
Cleary Gottlieb, le cabinet sous le parapluie de l’impertinent argentier Tahir Hamid Nguilin
Les liens entre les deux tourtereaux, Tahir Hamid Nguilin et Barthélémy FAYE commencent à susciter la curiosité de bon nombre d’officines financières établies dans la capitale tchadienne et à l’étranger. Si le brillant avocat sénégalais, est présenté comme l’un des africains les plus talentueux de sa génération, le très discret Barthélémy Faye, lui semble présenter d’intéressantes prédispositions qu’il exerce notamment au service du gouvernement tchadien. Mais, à quel prix? Le Tchad, cette terre des guerriers ne lui va pas, trop bien. Est- ce du fait de son rapprochement avec le ministre tchadien des Finances, Tahir Hamid Nguilin?
Barthélémy Faye a mené ses premières grandes batailles aux côtés des États écrasés sous le poids de leurs dettes. Pour se rapprocher du continent dont il est originaire, il a en effet choisi de quitter New York après les attentats du 11 septembre 2001 pour être muté au bureau de Cleary Gottlieb à Paris. Son attachement à l’Afrique ne l’a pas seulement conduit à défendre la cause des États : il s’est aussi taillé une solide réputation en conseillant de grands groupes comme ArcelorMittal, Alcoa ou Alcan pour des projets au Liberia, au Sénégal et en Guinée.
Pourrait-il un jour compléter son expérience en défendant des fonds vautours contre des pays ? « Nous nous l’interdisons », répond sans ambages Barthélémy Faye. Chez Cleary Gottlieb, on ne passe pas de l’ «autre côté ». Une règle d’or inscrite dans l’ADN d’un cabinet dont la réputation s’est bâtie au lendemain de la guerre, lorsque Cleary Gottlieb a épaulé Jean Monnet dans la reconstruction de l’Europe.
Président Mahamat Idriss Déby Alias KAKA
Tahir Hamid Nguilin, ministre des Finances du Tchad
Photo ci-dessous Barthélémy FAYE, cabinet Cleary Gottlieb
Décombres, montages financiers fumeux qui lessivent les caisses du Trésor
En trente ans de pouvoir, Déby père a certes commis des abus, mais il est tout au moins parvenu à sauvegarder la qualité de la signature du Tchad à l’échelle internationale. En moins de trois ans, son fils Mahamat Idriss Déby Alias KAKA a réussi l’exploit de déclencher une série de procédures d’arbitrage à l’encontre de l’État tchadien. Entre odeurs nauséabondes des affaires mises en jeu et insupportables allers- retours des conseillers juridiques de l’État, Tahir Hamid Nguilin a perdu le nord.
Dans chacune de ces affaires, le pays est isolé et en mauvaise posture juridique, tant les situations sont clairement à son désavantage. Le pays a opté pour la stratégie de la fuite en avant et demandé au très « chouchouté » Barthélémy Faye d’épuiser tous les recours les plus complexes pour tenter de surseoir à ses obligations. Il est bien connu et parfaitement légitime que les avocats ne sont pas là pour dire l’éthique, mais le droit, jusque dans ses contorsions les plus grotesques.
Serial arbitre, serial loser
Prenons l’affaire Savannah, du nom de cette société pétrolière britannique spoliée de l’actif qu’elle avait légalement acquis auprès de l’américain Exxon Mobil. La préemption de cette cession par l’État, ostensiblement au nom de la souveraineté économique, mais plus probablement pour consolider la mainmise du clan présidentiel sur l’or noir, ne repose sur aucun fondement juridique sérieux.
Cette posture a été dûment démontée dans les premiers jours de la procédure avec une décision arbitrale d’urgence immédiatement défavorable à l’État. Depuis, l’arbitrage s’embourbe dans la procédure qui ne manquera pas de se solder au désavantage du Tchad. Car, cette fuite en avant n’a qu’un temps : un jour il faut passer à la caisse, d’une manière ou d’une autre. Et la facture n’en est que plus salée !
Autre affaire, moins connue mais probablement encore plus absurde, d’autant qu’elle porte sur des montants négligeables : le conflit commercial qui l’oppose à l’opérateur N-Soft, chargé d’évaluer le volume des consommations téléphoniques du pays dans l’objectif de calculer l’impôt au plus juste. Une intervention qui n’était pas pour séduire les deux opérateurs en place. Après tout, s’ils cultivent de bonnes relations avec leur ministère de tutelle, ce n’est pas pour voir un nouveau venu se mêler de leurs petits arrangements.
Après des années de négociations à l’amiable, compte tenu de l’impossibilité faite à N-Soft d’exécuter son contrat, l’État a signé une reconnaissance de dette, laquelle fait aujourd’hui l’objet d’une lutte acharnée des avocats du Tchad, sans aucune forme de gain au fond. La décision que le pays contestait a été rétablie et renforcée en Appel en France, ouvrant la voie à des saisies.
Et puis, il y a le plus gros scandale d’entre tous, CFE, dont nos confrères très réseautés de Mediapart ont éventé les dessous du deal. Une situation ubuesque portant sur l’un des éléphants blancs favoris du régime, le Radisson Blu de la capitale. Les impayés et la corruption ont atteint de tels niveaux d’excès dans ce dossier, qu’on se demande même comment le gouvernement ose encore se présenter aux audiences. Quant aux avocats, ils ont beau jouer des quilles en se mettant en embuscade sous le manteau du << secret professionnel >>. Circulez messieurs ! Il n’ya rien à cirer !
Le bédouin et le ministre
Pour comprendre le comportement des autorités tchadiennes, il faut d’abord analyser la nature du pouvoir exercé par Déby fils. Après avoir pris le pouvoir dans des conditions particulièrement opaques, le «bédouin», s’est retrouvé catapulté dans des fonctions auxquelles il n’était pas préparé, et pris dans le piège d’un système volcanique.
Au cœur de ce système clanique, trône une personnalité étrange, le ministre des Finances et grand argentier du clan Déby, Tahir Hamid Nguilin. Habitué des manœuvres du pouvoir, ce dernier a commencé à sévir du temps du père, dont il a su gagner la confiance par sa capacité à résoudre les «petites » urgences financières de son protecteur au moyen de ruses diverses.
Ce rôle, il a su le conserver avec le fils, apportant un peu d’oxygène financier au moyen de divers expédients de court terme, une compétence vitale en ces temps instables. D’après les connaisseurs du Tchad, sa technique consiste essentiellement à creuser des trous pour en boucher d’autres. Pensons aux ministères dont les budgets n’ont pas été débloqués, aux fonctionnaires impayés ou encore à l’extorsion fiscale des rares grands groupes internationaux qui continuent à opérer dans le pays.
Croque- mort à satiété
Dans ce contexte, l’image du Tchad comme destination d’investissement, qui ne peut pas tomber beaucoup plus bas, est bien la cinquième roue du carrosse. Et dans cette grande entreprise de fossoyage de l’image du Tchad, l’engrenage dans laquelle s’est enfoncée l’économie est hallucinante. Barthélémy FAYE, toujours tiré à quatre épingles dans son costume sur mesure, il exécute les instructions de son bon ami le ministre Tahir Hamid Nguilin. Ses services sont payés par l’argentier- protecteur. Toutefois, on fantasme beaucoup à NDjaména sur le coût de ses honoraires ?
Charité bien ordonnée
Mais qu’est-ce qui peut bien motiver un avocat, à la réputation jusqu’alors impeccable, à se ranger ainsi dans des combats judiciaires perdus d’avance ? On ne fera croire à personne que M. Barthélémy FAYE cherche la gloire ou la controverse, à l’image de certains de ses flamboyants confrères. Quoi d’autre que le gain à court terme pour expliquer une telle attitude ? Il ne défend pas les intérêts souverains du peuple tchadien, comme aime à le faire croire un certain narratif qui circule dans les journaux proches du pouvoir. Il sécurise une retraite dorée, loin des rues poussiéreuses de N’Djaména.
D’où vient que le Tchad, pays si pauvre, puisse se payer les services d’une telle pointure ? C’est bien la question qui agite le petit milieu des observateurs de la vie des affaires tchadiennes. La théorie la plus fréquemment entendue avance que M. Faye n’est pas payé pour les conseils de son cabinet sur ces procédures d’arbitrage, mais qu’il est compensé par un savant tour de passe-passe qui consiste à lui confier en exclusivité tous les grands dossiers de financement avec la banque mondiale et le FMI- et qui a pour principal avantage d’être directement réglé par les bailleurs. On peut bâtir des fortunes sur des naufrages.
Se faire indirectement financer ses arbitrages douteux par les institutions de Bretton Woods, cela paraît quand même un peu osé ? Peut-être, mais certainement pas pour le ministre Hamid Tahir Nguilin qui gère les finances de l’État à la manière d’un épicier ou d’un caïd de village et dont lui seul connaît et contrôle les arcanes.
Assuré du soutien d’un président qui n’y comprend rien, reconnu par les bailleurs depuis plusieurs années comme un mal nécessaire, il bénéficie de leur volonté de stabilité… et continue d’asphyxier le Tchad en toute impunité, au nom des intérêts du même clan. En l’absence d’un chef légitime, qui mettra fin à cette gabegie?
Par Pierre RENÉ et Hippolyte GOURMANTIER (Confidentiel Afrique)
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