Ces derniers jours, un débat inutile et inopportun s’est installé, au Sénégal, avec la constitution des listes des candidats aux élections législatives du 17 novembre prochain. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, le 12 septembre dernier, les électeurs sénégalais ont rendez-vous avec les urnes dans six semaines pour choisir les députés de la 15ème législature à venir. Ombre de lui-même après une mandature débilitante à la tête du pays, l’ancien Président Macky SALL s’est attaché les services d’une certaine presse hexagonale grassement payée pour « liquéfier » la gouvernance Diomaye-Sonko.
On évoque ici et là un probable retour au-devant de la scène politique de Macky Sall au Sénégal, avec sa désignation comme tête d’une des listes de coalition, tel un messie dont les populations réclameraient sa présence avec emphase. Que nenni ! Une certaine presse française, et leurs relais au Sénégal, veulent présenter l’ex-président contraint de renoncer à un 3e mandat comme le choix unanime de toute l’opposition sénégalaise. Ce qui est loin d’être fondé. En réalité, Macky Sall, après avoir annoncé sa démission du poste d’envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4 P) où le président français Emmanuel Macron l’avait casé, conduira une liste hétéroclite et saugrenue qui comprendra également Karim Wade, fils de son prédécesseur au pouvoir, qu’il avait fait condamner avant un long exil au Qatar ! Ce dernier joue à grosses cordes le métier de lobbyiste entre Doha et certaines capitales du continent africain dont les plus en vue restent le Rwanda et la République démocratique du Congo. Il se fait payer ses piges « généreusement » à coups des centaines de milliers d’euros.
Il faut se rendre à l’évidence. Le contexte politique actuel est surtout marqué par les faits suivants :
– l’avènement, à la tête du pays d’un nouveau pouvoir et d’une nouvelle dynamique incarnés par le duo Bassirou Diomaye Faye- Ousmane Sonko, respectivement Président de la République et Premier ministre ;
– la scission notée au sein de l’Alliance pour la République (Apr) de l’ex-président Macky Sall, désormais à couteaux tirés avec son ancien dernier Premier ministre Amadou Ba, candidat malheureux au scrutin présidentiel du 24 mars 2024 ;
– la dislocation de la grande coalition du pouvoir sortant, Benno Bokk Yaakar, avec l’Apr, le Ps et l’Afp de Moustapha Niasse, un des mammouths de la vie politique sénégalaise (il occupe des fonctions politiques depuis les années 1970) et des partis de la gauche (Pit, Ld) ;
. la descente aux enfers de grands partis hier considérés comme les mastodontes de la scène politique sénégalaise, le Parti socialiste des anciens présidents Senghor et Abdou Diouf et le Parti démocratique sénégalais (Pds) de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Macky SALL traîne les boulets d’une mandatature débilitante
Le dernier mandat de Macky Sall a été particulièrement éprouvant pour la démocratie sénégalaise, le respect des droits et libertés des citoyens, la liberté de la presse, etc. Entre mars 2021 et mars 2024, plus de 80 personnes perdront la vie dans des manifestations sauvagement réprimées par le pouvoir, plus d’un millier d’arrestations, souvent arbitraires, seront opérés et les opposants au régime traqués et souvent violemment agressés par des milices armées par un pouvoir qui ne se fixait aucune limite.
Par un sursaut qualitatif, le 24 mars 2024, le peuple sénégalais élira, avec une confortable majorité, plus de 54% des suffrages, le président Bassirou Diomaye Faye, en détention pendant près d’un an, dix jours seulement auparavant ! En six mois d’exercice, malgré les nombreuses bombes à retardement placées sur son siège, il a su habilement manœuvrer pour d’une part, confirmer sa volonté de respecter les engagements tenus lors de la campagne électorale (dissolution du Haut conseil pour les collectivités locales – HCCT et du Conseil économique, social et environnemental-CESE notamment) et, d’autre part, poser les jalons d’une véritable reddition des comptes après une large concertation avec les acteurs de la justice et la société civile.
Récemment, le FMI a arbitré une polémique née de la déclaration du PM Ousmane Sonko qui expliquait l’écart entre les chiffres déclarés par le pouvoir sortant et la réalité des dossiers en cours, en lui donnant raison sur toute la ligne. Les procédures judiciaires intentées contre les anciens ministres et Directeurs généraux de sociétés publiques, sur la base de dossiers solides que l’ancien président avait placés sous son coude, démontrent à suffisance l’étendue des pillages économiques effectués sous le magistère de Macky Sall.
Cela, ses compatriotes ne sont pas prêts de l’oublier, ni de les lui pardonner, après tous les sacrifices consentis en période de Covid-19 et les atteintes graves aux libertés par un pouvoir hautain et arrogant. L’incident survenu récemment au Maroc, avec l’arrestation d’une Sénégalaise (libérée le lendemain) qui l’avait interrogé sur sa responsabilité sur les morts survenus lors des douloureux événements liés à l’affaire Sonko, est un révélateur édifiant. Ne pas le comprendre l’exposerait, demain, à une situation regrettable…
Par Ismael AÏDARA ( Confidentiel Afrique)
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