Le discours du président Bassirou Diomaye était très attendu, ce mercredi 25 septembre 2024, à l’occasion de la 79è session de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Il fut magistral. Une première réussie selon son Premier ministre Ousmane Sonko qui « salue chaleureusement un discours mémorable » et « message fort qui inspire le monde entier ». Un satisfecit décerné également par un aréopage de grands dirigeants du monde.
Magistralement, ce fut un Grand Oral réussi. Seul bémol à ce concert de louanges, une impression de «déjà entendu» qui flotte dans l’atmosphère feutrée de la salle de conférence d’une organisation en mal de repères. Ce « machin », pour reprendre la célèbre formule du général De Gaulle, incapable de trouver des solutions pérennes aux problèmes du monde.
« Il est temps de changer de paradigmes , … en ces temps de grandes turbulences mondiales », admet le chef de l’Etat sénégalais dont on devine, à l’intonation de la voix et à la gestuelle empruntée, l’émotion qui l’habite en prenant la parole en ces lieux chargés d’histoire et témoins de tant de séquences politiques qui ont marqué la marche du monde. Des murs où résonnent encore les discours mémorables de sommités mondiales telles que Kurt Waldheim, Yasser Arafat, Golda Meir, Fidel Castro, l’ayatollah Khomeiny, le maréchal Tito, Nelson Mandela, Xavier Perez de Cuellar, et bien d’autres grandes figures politiques.
Le diagnostic présenté par Bassirou Diomaye Faye est d’une brûlante actualité : « Les principes de la Charte des Nations Unies, qui prônent l’égalité, la justice et le respect des droits humains, sont chaque jour mis à mal, les conflits s’étendent, les inégalités se creusent, et les crises climatiques aggravent la vulnérabilité de millions de personnes à travers le monde… ». Quels remèdes préconise-t-il pour pallier cette situation déplorable ? Pratiquement aucun si ce ne sont des constats de « violations répétées » du droit international qui menacent même la survie de l’organisation.
Enjeux et bouleversements sécuritaires globaux
Aussi bien sur la situation sécuritaire dans la région du Sahel où des populations entières subissent, au quotidien, les exactions de groupes terroristes face à l’inertie du Conseil de sécurité de l’ONU que son prédécesseur avait fustigée deux ans auparavant, que par rapport à la crise entre Israël et la Palestine, le Sénégal en tant Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a un rôle majeur à jouer. Le président Faye s’est contenté de rappeler le soutien de son pays à la solution des deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies. Sans exiger une réelle implication de l’ONU, inefficace dans son double rôle de médiateur et de garant de la paix.
Qu’il s’agisse des inégalités reproduites continuellement par les mécanismes de gouvernance mondiale, qu’une réforme urgente des institutions mondiales, en particulier le Conseil de sécurité, le FMI et la Banque mondiale, soit menée pour « qu’elles reflètent les réalités géopolitiques et économiques actuelles », ou encore de la nécessité de corriger les injustices économiques (commerce inégal, évasion fiscale, flux financiers illicites et congés fiscaux abusifs) qui privent les pays en développement d’une réelle implication au commerce mondial afin de bénéficier de la croissance économique, le président sénégalais est resté dans les généralités.
Par contre, en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, son discours a été plus incisif, plus direct. Les pays industrialisés, qu’il désigne comme « les responsables historiques des émissions massives de gaz à effet de serre doivent intensifier leurs efforts pour financer une transition énergétique juste et équitable, qui ne pénalise pas les pays en développement ».
Nouvel ordre mondial Version Diomaye
Enfin, le président Bassirou Diomaye Faye a dénoncé presque à mots couverts « toute tentative d’imposition de normes civilisationnelles unilatérales ». Poursuivant, il argumente qu’ « aucune nation ne devrait imposer aux autres ses pratiques ou ses valeurs comme des normes universelles ». Le débat actuel sur les questions de genre et la libéralisation des mœurs, selon les critères propres à l’Occident, ne saurait être imposé à l’ensemble des peuples dont les valeurs et trajectoires culturelles sont différentes. Le président Faye n’a pas voulu, sans doute, asséner certaines vérités qui fâchent, se contentant de rappeler des principes auxquels nous avaient habitués ses illustres prédécesseurs, de Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
« C’est par la coopération et le respect mutuel que nous surmonterons les crises qui secouent notre monde », dira le président Faye au terme de son allocution. On attend vivement qu’il traduise en actes ce constat lucide. On attend de le voir à l’œuvre sur le continent africain, à l’instar d’un Faure Gnassingbé très actif en matière de médiation, pour faire retrouver au Sénégal son rayonnement diplomatique dans un environnement géopolitique particulièrement instable.
Par Ismael AÏDARA et Karim DIAKHATÉ (Confidentiel Afrique)
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