
Le groupe bancaire Orabank traverse une période de turbulence sans précédent. Entre défaillance financière, retrait d’un investisseur stratégique et tensions sociales internes, la situation de plusieurs de ses filiales, suscite de fortes inquiétudes sur la solidité du réseau bancaire régional. Confidentiel Afrique revient sur les soubresauts insoupçonnés de ce géant bancaire au pied d’argile ces dernières années sur fond d’une métastase systémique bancaire dans la région. Explications
Un groupe bancaire en perte d’équilibre
Longtemps perçue comme un acteur bancaire dans la zone UEMOA et CEMAC, Orabank, via sa maison-mère Oragroup SA, est désormais en pleine tourmente. En juin 2025, l’agence de notation Fitch Ratings a abaissé la note du groupe à “RD” (Restricted Default), signalant une incapacité à honorer certaines de ses obligations financières.
Siège du groupe bancaire à Lomé (République du TOGO)
Selon les derniers états financiers disponibles obtenus par Confidentiel Afrique, Oragroup a enregistré une perte nette de 44,4 milliards FCFA en 2024, et ses capitaux propres ont fondu de 144 à 97 milliards FCFA. Un signal d’alarme pour les marchés et les régulateurs.
Le retrait du « sulfureux » et éternel perdant Vista Bank, l’étincelle de la crise
L’origine de cette spirale descendante remonte au retrait du Groupe Vista, qui devait reprendre le contrôle d’Oragroup. Cet abandon de dernière minute a plongé le groupe dans une situation de crise de liquidités, avec un besoin urgent de recapitalisation pour éviter l’effondrement de ses ratios prudentiels.
Filiales sous pression : le cas d’Orabank Gabon
Parmi les entités les plus fragilisées, figurent les deux filiales de l’Afrique centrale, à la fois sur les plans financier et social. Sur le plan interne, pour Orabank Gabon, le personnel a déposé un cahier de revendications resté sans réponse depuis plusieurs mois, réclamant des conditions de travail décentes, des avantages sociaux équitables et une meilleure gouvernance. Ce climat de frustration vient s’ajouter aux craintes de retrait massif des dépôts, amplifiées par la dégradation de la note du groupe.
En Côte d’Ivoire et ailleurs, l’inquiétude s’étend
La situation n’est guère plus rassurante dans d’autres filiales. En Côte d’Ivoire, la crise de liquidité compromet le bon fonctionnement de la filiale, avec des opérations ralenties et une inquiétude croissante chez les clients.
Au Togo, au Tchad et en Guinée, Orabank affiche des ratios de fonds propres bien en dessous des exigences réglementaires, tandis que le taux de prêts non performants approche les 30 %, menaçant la viabilité du modèle.
Un plan de sauvetage porté par la BOAD
Face à l’urgence, le Conseil d’administration d’Oragroup a validé en mai 2025 un plan alternatif de financement. Soutenu par la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) et d’autres actionnaires institutionnels, ce plan prévoit : Une première tranche de 80 milliards FCFA injectée en capital.
Cependant, la réussite de ce plan dépendra de son exécution rapide et du soutien effectif des actionnaires, dans un contexte de méfiance accrue des marchés.
Quelles perspectives pour Orabank ?
Cette crise profonde soulève des questions sur la gouvernance du groupe, la viabilité de son modèle d’expansion rapide, mais aussi sur la capacité des autorités régionales (COBAC, BEAC, BCEAO) à accompagner une sortie de crise. La contagion à d’autres établissements bancaires reste à surveiller.
En moins d’un an, Orabank est passée d’un acteur bancaire de référence à un groupe en péril. Les prochaines semaines seront déterminantes: entre recapitalisation, confiance des clients et mobilisation des régulateurs, l’avenir du groupe se joue maintenant.
Par Chérif Ismael AÏDARA (Confidentiel Afrique)
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