L’enlèvement du général émirati à la retraite Joumoua ben Maktoum al Maktoum au Mali incarne une énigme captivante mêlant rivalités entre milieux du renseignement, dynamiques djihadistes et soupçons de double jeu. Cet incident, qui met en cause plusieurs figures interlopes, soulève de sérieuses interrogations quant à la porosité des relations entre certains réseaux malien/marocain, l’appareil sécuritaire du pays, et les groupes armés transnationaux. Les autorités de Bamako sont restées aphones vis- à- vis de cette affaire qui agace et relance la lancinante question de la gestion sécuritaire que vit le pays. Dessous d’une affaire qui intrigue « silencieusement »
Zones d’ombre et prudence dans une histoire de rapt à haute voltige. Joumoua Ben Maktoum al Maktoum, une figure politico- militaire émiratie de premier plan, général â la retraite de son état et grand fermier reclus sur la terre ferme malienne, a été enlevé le 23 septembre 2025, à Sanankoroba, à environ 30 km au sud de Bamako. Ce dernier séjournait dans sa ferme lorsque des hommes armés, manifestement bien informés, l’enlèvèrent avec deux autres compagnons (un Émirati, un Iranien). Les deux hommes encagoulés seraient du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (Gsim-Al-Qaïda) qui, selon nos sources parvenues à Confidentiel Afrique, aurait proposé d’ouvrir des négociations via deux figures déjà controversées : Mohamed Mehri dit « Rougi » et Sid’Ahmed, alias « Zmeylou ». Les deux cousins germains, natifs de Tilemsi, sont connus tant pour leur proximité avec l’Agence nationale pour la sécurité d’État (Anse) que pour leurs passés sulfureux. Rougi, ex-sanctionné par l’ONU pour trafic de drogue et collaboration présumée avec des groupes armés, circule désormais librement après la levée des sanctions en 2023. Zmeylou, quant à lui, a été impliqué dans le kidnapping d’humanitaires européens en 2011, dont la résolution passa par d’obscures transactions entre divers groupes et médiateurs.
Parallelement, deux lieutenants du chef djihadiste Iyad Ag Ghaly, liés familialement ou stratégiquement aux agents maliens du renseignement s’impliquent dans l’affaire. Tous deux sont rapidement dessaisis du dossier. Signe de conflits internes ou de brouillage délibéré dans la chaîne de négociation? Depuis le rapt de cet otage de luxe émirati, le gouvernement malien est resté aphone et daigne à communiquer sur cette affaire bouleversante qui agace le sommet de l’appareil politico-militaire de l’État émirati. Une source diplomatique de Confidentiel Afrique renseigne que les autorités émirati dans ces situations pareilles jouent la carte de la prudence pour éviter les « cercles vicieux » de la manipulation. A Bamako, des officines de renseignement rassurent que le général Joumoua Ben Maktoum al Maktoum a été libéré des mains de ses ravisseurs djihadistes du JNIM. Mais â quel prix? Contacté par Confidentiel Afrique, le ministre des Affaires Étrangères du Mali, Abdoulaye DIOP dit n’avoir aucune information sur cette prise d’otage.
Certaines sources parlent d’intérêts croisés (or, renseignement, diplomatie parallèle) avec la parenté directe entre acteurs qui faciliteraient d’éventuels arrangements discrets aux dépens des victimes émiraties.
Bamako et l’État émirati optent pour le silence radio
Toujours est-il que l’Agence malienne de la sécurité extérieure et la présidence tout comme la famille royale de Dubaï observent un silence total. Dans cette opacité, on ignore encore les conditions exactes de la libération annoncée du général, ni les montants ou compromissions en jeu.
Cette affaire rocambolesque, aux confins du renseignement, du grand banditisme et du jeu diplomatique, reste donc dominée par le silence officiel, la rumeur, et l’absence de certitude sur la réalité des négociations et des enjeux. Son évolution, sa résolution ou son étouffement, livreront sans doute un miroir cruel des rapports entre pouvoirs fragiles et réseaux hybrides dans un Mali déstabilisé, où la frontière entre facilitation, trahison et manipulation demeure d’une extrême porosité.
Affaire à suivre avec circonspection, car sous l’apparence d’un « fait divers » spectaculaire se dessine tout un système de rapports occultes, resté loin d’avoir livré tous ses secrets.
Par Chérif Ismael AÏDARA (Confidentiel Afrique)