
Conseiller Commercial d’Autriche pour le Maroc et l’Afrique de l’Ouest.
‘’Les ventes autrichiennes à l’étranger ont franchi le cap de 150 milliards d’Euros vers le monde entier’’
L’Autriche est riche de ses exportations et a derrière elle une tradition industrielle de plus de deux siècles. Quels sont les marchés les plus significatifs sur l’Afrique en général et l’Afrique de l’ouest et du nord en particulier?
Michael Berger : Pour un pays avec 9 millions d’habitants et 60 000 entreprises exportatrices, les ventes autrichiennes à l’étranger ont franchi le cap de 150 milliards d’Euros vers le monde entier.
Dans un tel contexte, malheureusement, c’est seulement 1,8 milliard € qui est destiné à l’Afrique. C’est l’équivalent à ce que nous vendons à la Belgique, qui n’est pas un pays voisin ! Donc, il y a un potentiel énorme.
Sur le continent les pays, les plus importants avec qui nous échangeons sont : l’Afrique du Sud avec 590 millions €, suivie de l’Algérie avec 257 millions €, de l’Egypte avec 216 millions €, du Maroc avec 161 millions €, puis suivent le Mali 120 millions €, le Nigéria 66 millions €, le Sénégal 39 millions €, le Kenya 23 millions €, la Côte d’Ivoire 21 millions €, etc. A noter une progression de 20% des exportations sur la Côte d’Ivoire et un bond de 110% sur la Guinée.
La tendance générale sur le continent est une hausse de 10% en 2018 et 11% sur cette année. Quant aux importations autrichiennes en provenance de l’Afrique, elles se sont appréciées de 5% en 2018.
‘’L’Afrique n’a pas besoin d’aide, mais d’un système favorable aux investissements’’
Votre pays est connu pour être en position de force sur des marchés de niche à forte valeur ajoutée. Comment le continent en profite-t-il, notamment en transformation de matières premières et de ressources brutes diverses?
MB: Dans les années à venir, le continent africain devra changer de système et changer de modèle économique. De simple exportateur de matières premières, il devra passer à transformateur de ces matières. Il deviendrait ainsi producteur- agroindustriel, notamment pour approvisionner ses populations et le reste du monde en produits de première nécessité. Trouver dans des grandes surfaces d’Abidjan ou de Dakar, des produits de consommation courante importés n’est pas très logique.
La production locale en termes de transformation des ressources naturelles devrait être encouragée. C’est là que l’Autriche pourrait aider avec son savoir-faire dans les machines de production, dans les énergies renouvelables, dans l’amélioration des infrastructures…
Quant à la question du financement de ces investissements, il faudra se pencher sur comment ces financements pourraient être garantis, sécurisés… On pourrait alors créer un grand multiplicateur des investissements de la part des organismes européens. Encore une fois, l’Afrique n’a pas besoin d’aide, mais d’un système qui favorise les investissements.
Votre agenda sur l’Afrique de l’ouest en 2019 justifie l’attrait de la qualité de l’offre autrichienne. Quelles ont été les étapes les plus significatives?
Au mois d’avril dernier, nous avions effectué une mission importante sur Abidjan. Aussi, à la fin de l’année dernière (Ndlr : en 2018), nous avions assuré la première mission, au mois de décembre 2018 en Guinée, très intéressante du reste. Nous avions été alors très bien reçus, tout comme à celle de Dakar qui avait suivi. Présentement, nous organisons une mission cette semaine avec nos équipes qui seront à Conakry en Guinée, puis à Dakar. Nous étions aussi présents au salon de l’Agriculture d’Abidjan et à Préventica à Dakar.
En outre, nous avons prévu d’être à Africalia à Ouagadougou en mai 2020, combiné à une mission économique à Abidjan. Vers la fin de l’année, une mission sera organisée à Dakar et éventuellement en Gambie… nous tentons toujours d’associer deux destinations pour démultiplier les chances de partenariat.
En dépit du fait que l’offre autrichienne soit transversale, généralement ce sont les branches des BTP, de la santé, des accessoires pour les mines, camions d’incendies aux aéroports, du matériel et services pour les gardes-côtes…
A l’heure du tout digital, l’Afrique qui souffre encore d’une carence en infrastructures de base, peut-elle trouver auprès des opérateurs économiques autrichiens des partenaires pour créer des joint-ventures, à même de hisser son industrie? Si des cas existent, lesquels sont les plus marquants ?
Des cas de joint-ventures existent, mais, il y’en a très peu. C’est peut-être dû à ma structure des entreprises autrichiennes qui sont surtout des PME-PMI. Se lancer dans une dimension transnationale présuppose des moyens humains très importants, à gérer, à contrôler…des opérations à l’autre bout du monde. C’est aussi ce qui explique qu’il y ait peu d’entreprises autrichiennes qui sont general contractor dans des projets. En général, elles assurent une partie des projets, répondent à des niches.
Quel regard portez-vous à la ZLECA, Zone de libre-échange continentale ?
C’est une très bonne chose qui dans le moyen terme permettra de s’employer à l’élimination des droits de douane entre pays africains. Les obstacles techniques et douaniers constituent de réelles difficultés. L’autre gros handicap, c’est qu’il n’y a pas de réelles connexions entre pays africains. Aujourd’hui, vous pouvez réduire tous les obstacles tarifaires entre la Côte d’ivoire et le Sénégal, mais ce n’est pas ce dernier pays qui va acheter le cacao ivoirien… quelque fois, ils ont des ressources similaires. Autant de raison pour lancer différentes productions et travailler sur plus de complémentarité. Justement, si on prend en compte cet exemple, dans le cadre de la ZLECA, le cacao pourrait être un énorme marché.
Croyez-vous que la ZLECA fera la part belle au développement durable et hissera le niveau de la qualité et de l’innovation sur le continent?
Quels sont les garde-fous à mettre en place ?
En Europe, en Amérique et dans d’autres régions du monde, on a mis en place des standards de qualité extrêmement élevés. Des pays du Maghreb qui ont signé des accords de coopération se plaignent d’un manque de réciprocité… et souffrent d’un déficit chronique de la balance commerciale, dû justement à cette règlementation. Certes, il faut la qualité et l’innovation, deux mamelles qui hissent vers le haut les productions africaines, mais les exigences des pays développés doivent être atténuées. Un pays comme le Maroc pourrait ainsi profiter de cette zone pour vendre ses voitures dans le reste de l’Afrique.
Propos recueillis par Boubker BADRI à Casablanca (Confidentiel Afrique)
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