La réussite du scrutin référendaire en Guinée, tenu le 21 septembre 2025, apparaît comme un jalon majeur du retour vers l’ordre constitutionnel dans un contexte régional frappé par l’instabilité et la multiplication des transitions militaires. Grand pari de l’exigence d’une ouverture large et d’une responsabilité citoyenne collective. Enjeux
Avec 89,38% de OUI et une participation dépassant 86%, le vote traduit une mobilisation élevée et un désir affirmé de sortir du « provisoire » pour renouer avec la légalité républicaine. Le scrutin s’est déroulé dans un climat jugé «apaisé et sécurisé », selon le ministre de l’Administration du territoire, sans incident majeur, malgré le scepticisme et les appels au boycott de plusieurs pans de l’opposition. Quitus délivré aussi par les missions d’observation de la CEDEAO et de l’Union africaine qui ont supervisé cette élection et sillonné le pays. Ce calme, rare dans la région, a permis à la Guinée de démontrer sa capacité d’organisation électorale, répondant ainsi aux exigences de transparence et de crédibilité posées par la communauté internationale et les bailleurs.
Ce référendum marque la fin officielle de la Charte de la transition établie après le coup d’État de 2021. Il ouvre la voie à une normalisation institutionnelle et à la tenue prochaine de scrutins présidentiel, législatif et local, signalant auprès des organisations régionales et internationales une avancée vers un retour à l’ordre constitutionnel. Contrairement à ses voisins du Sahel- Mali, Burkina Faso et Niger- qui prolongent leur transition indéfiniment et reportent les élections sine die, la Guinée affiche une volonté de reconfigurer ses institutions et de renouer avec la vie démocratique. En référence à l’exemple gabonais, la Guinée a choisi, malgré les controverses, d’organiser rapidement un référendum en vue d’écourter sa période de transition militaire.
Une ouverture politique, mais des interrogations persistantes
Si la nouvelle Constitution consacre, selon le gouvernement, de nouveaux droits et une démocratie plus inclusive, elle retire l’interdiction faite aux membres de la transition de se présenter aux élections. Ce point suscite l’inquiétude d’une partie de la société civile et de l’opposition, qui soupçonne Mamadi Doumbouya, de vouloir briguer la présidence, malgré ses promesses antérieures. Cependant, l’adoption du texte est accueillie dans certains cercles comme une réussite pragmatique, permettant à la Guinée de repenser sa gouvernance et de se repositionner sur l’échiquier international. Mamadi Doumbouya devrait pouvoir plonger dans le « marigot » politique haletant et parfois passionnant.
Le rôle d’un nouveau régime civil au coeur d’une région ouest- africaine fracturée
Au cœur d’une Afrique de l’Ouest fracturée par les transitions à rallonge, la réussite de ce scrutin symbolise le désir d’une population de sortir de l’exception militaire et de restaurer une “normalité” institutionnelle. Le bon déroulement du vote, l’absence d’incidents graves et le processus de validation quasi achevé sont perçus comme des signaux forts adressés aux partenaires régionaux (CEDEAO, UA) et internationaux, incitant au dialogue politique et à une réintégration progressive du pays dans les instances multilatérales. Cette avancée contraste nettement avec la situation au Mali, au Burkina Faso et au Niger, où la question de l’élection ne se pose plus dans l’immédiat, et où le verrou militaire reste solide.
En somme, la réussite du référendum guinéen, dans un contexte régional de blocages et d’incertitudes, illustre une capacité de résilience du pays et une volonté politique de “normalisation”. Ce scrutin reste un point d’appui et un exemple qui, malgré ses limites et les interrogations sur l’avenir politique de Doumbouya, pourrait inspirer d’autres transitions à rechercher une issue électorale crédible. Mamadi Doumbouya qui troquera sans doute son treillis pour une tenue civile devra s’ouvrir et élargir le champ de concertations, de dialogue et pourquoi pas faire ramener dans le jeu politique les acteurs de la scène politique guinéenne et prêter une oreille attentive aux voix discordantes pour seulement l’intérêt exclusif de la Guinée. Un leadership se construit dans la résilience des synergies.
Par Oussouf DIAGOLA et Pierre RENÉ (Confidentiel Afrique)