Banque africaine de développement: Vague de déprime et petits trots en tourbillon du nigérian Adesina Akinwumi
Alors que bon nombre de pays membres de la Banque africaine de développement (BAD) et de surcroît non-régionaux ont presque tourné le dos au nigérian Adesina Akinwumi, patron de l’institution, la reconduction de ce dernier devient de plus en plus un gros caillou dans les chaussures de ses ultimes soutiens qui carburent et continuent de s’accrocher aux vagues de tempête. Si autant le problème de la gouvernance du Président Adesina, élu en 2015 devant des poids lourds comme Christina Douarté et Kordje Bedoumra, sur fonds d’intenses lobbyings, pourtant, se pose avec acuité, aujourd’hui pour certains administrateurs non régionaux, l’institution, elle, est dans une déprime ascendante. Avec en toile de fond, un sentiment de démoralisation qui prend de l’épaisseur, tous azimuts. À l’évidence, au regard de la cascade des départs depuis son atterrissage aux commandes de l’institution mai 2015, le lit de contestations en coulisses est allé crescendo. Les meubles n’ont pas pu être sauvés. Beaucoup estiment que le cas du Président Adesina, mais surtout son dossier de défense et la réponse de la Présidente du Conseil des Gouverneurs de la BAD, l’Ivoirienne Nialé KABA montrent un sérieux problème de gouvernance qui doit être impérativement adressé par les Gouverneurs de la BAD. Des roues manqueront à la carrosse, éventuellement, lors du raout d’août prochain à Abidjan. Le Président de la BAD a d’immenses pouvoirs qui lui sont conférés par les statuts de l’institution. Les textes et, cela ont été utilisés comme défense dans la réponse du Président Adesina et les conclusions de la Présidente du Conseil des Gouverneurs lui donnent le droit de nommer et de promouvoir le personnel. Sans aucune restriction. Un rapport d’audit largement diffusé, a pourtant épinglé la Présidence de la BAD sur les recrutements ne respectant pas les règles de transparence : tant que l’Accord Portant Création de la Banque Africaine de Développement et le Règlement du Personnel continueront à donner le pouvoir de nomination au Président, les abus de pouvoir continueront à se produire à la Banque, soupirent des sources autorisées. Les Gouverneurs, surtout les Gouverneurs non-régionaux, ceux qui financent la Banque Africaine de Développement, au deux tiers du budget de l’institution, réfléchissent nous dit-on sur une piste devant exiger que l’Accord Portant Création de la Banque Africaine de Développement mentionne explicitement que le pouvoir de nomination du Président se limite à son seul Cabinet, et spécifier surtout le nombre de personnes relevant du Cabinet et leurs grades. Le document ébruité par Confidentiel Afrique renseigne bien que les Gouverneurs devront également exiger que les recrutements, en dehors du seul cas des membres du Cabinet, se fassent sur une base compétitive. Une sorte d’atténuer ou de réduire le pouvoir hypertrophié du Président de la BAD, qui, détient à lui seul le pouvoir de nomination absolu parmi les Banques Multilatérales de Développement qui se respectent. D’ailleurs, il n’est pas le premier à en abuser: en quittant la Banque Africaine de Développement, l’ancien Président Donald Kaberuka avait donné un grade supplémentaire à tous les membres de son Cabinet et une augmentation de salaire de 10%. Notre source de glisser que cela avait poussé un ancien Président de la Banque mondiale à démissionner.
Le véritable enjeu: améliorer la gouvernance de la BAD.
Une autre piste pour améliorer la Gouvernance de la Banque est de retirer le Département de la Lutte Contre la Fraude et la Corruption de la tutelle du Président. Les rapports d’enquête de ce Département doivent être directement soumis au Conseil d’Administration ou au Conseil des Gouverneurs si des Administrateurs sont visés puisque les rapports du Département de la Lutte Contre la Fraude et la Corruption sont gardés sous le coude, du seul fait du pouvoir étendu du Président de l’institution.
Egalement, le Directeur de ce Département ne doit plus être nommé par le Président, mais élu par les Gouverneurs tous les cinq ou sept ans. Les idées et les remarques passent devant le prompteur de plusieurs fonctionnaires, l’amertume sous la gorge. ‘’ Depuis l’arrivée du Président Adesina, tous ceux qui se sont battus pour préserver les mécanismes de gouvernance interne ont dû partir’’. Le cas le plus flagrant est celui de l’ancien Directeur chargé du recrutement des Consultants: la réforme de 2016 avait pour but non avoué de casser ce Département tout puissant, qui veillait jalousement sur le respect des règles prévalant au recrutement des Consultants et des Firmes de Consultants, pour que personne ne s’oppose aux passations de marchés irrespectueuses des règles. Ce Directeur informent nos sources a quitté la Banque Africaine de Développement et travaille actuellement à la Banque mondiale. Il s’agit de M. Sharma Vinay. La liste est longue. Dans nos recoupements, nous sommes tombés sur l’ex-Directrice Allemande des Ressources humaines, qui a démissionné 6 mois après sa prise de fonctions. Quelles sont les anomalies qui l’ont poussée à partir? Encore une fois, des problèmes de gouvernance, reviennent avec insistance.
On évoque aussi le poids du Conseil du Personnel. Sur ce chapitre, les Présidents successifs de la Banque Africaine de Développement s’appuient sur ce point fondamental lorsqu’ils rencontrent chaque nouveau bureau élu du Conseil du Personnel, servent la sempiternelle rhétorique . Comme du marronnier: « Vous n’êtes pas un Syndicat ».
Cette posture prise par le patron de la BAD est l’opposé de ce qui se passe à la Banque mondiale dont la force vient de son personnel. L’on se rappelle de la vague de protestations internes qui avait accompagné vers octobre-novembre 2014 les réformes du Président Kim. Des centaines d’employés se réunissaient chaque semaine dans l’Atrium du Siège de la Banque Mondiale pour protester contre les réformes du Président Kim. La Banque Africaine de Développement n’est pas prête moralement ou ne s’est pas encore armée d’aller vers cette posture qui diminuerait les lignes de frictions qui empoissonnent l’écosystème interne de l’institution. Le nigérian Adesina n’aurait pas privilégié la carte de l’apaisement et de la concertation avec les départements subordonnés, font remarquer des sources internes. Avec cette kyrielle de contestations et de frondes qui s’accumulent connues ou tues, n’arrangent pas la réélection du nigérian Adesina Akinwumi, commentent nos sources. Ce raout d’août 2020 à Abidjan réserve aux administrateurs de grosses surprises et d’inconnues révélatrices qui pourront redessiner la carte de la Banque Africaine de Développement de demain.
Par Boubker BADRI (Confidentiel Afrique)
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