Une grosse enquête exclusive de Confidentiel Afrique, fruit de plusieurs mois d’investigations et de témoignages recoupés. C’est une page noire qui s’ouvre pour LH Aviation France et ses ramifications sulfureuses en Asie et en Afrique. La cascade de la boîte noire n’a pas arrangé les choses chez LH Aviation France peut-on dire.
Résultat ? Le tribunal de commerce de Melun a prononcé le 18/04/2018 la mise en redressement judiciaire de LH Aviation France.
Besoin de capitaux
LH Aviation a été créée en 2004 par deux jeunes ingénieurs passionnés d’aéronautique, Sébastien Lefebvre et Frédéric Hubschwerlenson qui ont mis au point un petit avion léger, polyvalent, écolo, disposant d’outils de pilotage dernier cri baptisé LH-10 Ellipse si l’on en croit le site internet de LH Aviation.
Jusqu’en 2010, la société se développe et s’installe sur l’aérodrome de Melun-Villaroche (77). Elle intéresse plusieurs clients qui évoluent dans les domaines de la sécurité et de la défense. Mais elle a besoin de capitaux pour finaliser le petit avion et l’adapter aux besoins des clients.
L’arrivée de Christophe Rémy
Au salon du Bourget de 2009, Christophe Rémy qui est encore directeur administratif et financier de GECI-International se rapproche de LH-Aviation. Il propose d’apporter 5 M€ à la société de Melun-Villaroche pour lui permettre de mettre en place sa stratégie de développement.
Ainsi est créée la société Magellan Industries avec Stéphane Schiller et Mme Châo Hoang Naudin (ancienne directrice de Reims-Aviation, rachetée par GECI-International de Serge Bitboul).
Plusieurs « véhicules financiers » appelés Pégase 1, 2, 3 etc. sont alors créés et contrôlés par la société Magellan.
Une opération financièrement fructueuse pour Christophe Rémy qui ponctionne 14% sur les levées de fonds effectuées par les Pégase, et 10% sur l’apport en capital de LH. A quoi s’ajoutent 15.000 €/mois de frais de gestion.
Des réseaux qui se croisent : GECI International et LH Aviation
Avec Christophe Rémy, la société LH Aviation voit arriver Jérôme Rivière (ancien avocat du groupe GECI) et ex-député UMP puis militant Front National, Patrice Molle, préfet honoraire, ancien chef d’état-major de la DGSE, et quelques autres personnalités qui agissent au sein d’une nébuleuse de sociétés telles que la banque d’affaires Castle Rock IB à Hong-Kong (aujourd’hui disparue) des SCI en France, ainsi qu’une société en Iran.
Ce « beau monde » se retrouve dans un immeuble prestigieux de la capitale, au 12 rue de Presbourg (Paris, 16ème) dont le loyer de 100.000 €/an. Loyer intégralement payé par LH Aviation France.
Dans sa grande générosité, alors que la société est en difficulté financière LH Aviation apporte une contribution financière aux Universités d’Eté de la Défense (UED), consent des prêts (jamais remboursés) à des sociétés…
Les dettes s’accumulent.
Pendant ce temps, l’avion LH-10 Ellipse tarde à être finalisé. Ce qui n’empêche pas Christophe Rémy de vendre des avions. Et même un drone de la société StationAir de Lionel Berthelot que LH Aviation vient de racheter. Un drone appelé ExplorAir et rebaptisé Tactical vendu au prince Foudjaïrah des Emirats, furieux d’avoir été floué car ce drone n’a jamais pu voler.
En 2014-2015, la situation financière de LH Aviation France est critique : il faut renflouer les caisses de LH-Aviation.
Christophe Rémy annonce urbi et orbi que LH-Aviation (« constructeur d’aéronefs et commercialisation de matériel de guerre » selon le Kbis) est une société à l’avenir radieux. Il annonce sur le site internet avoir vendu 13 appareils LH-10 à une société de Dubaï, Jet Energie, mais aussi 100 avions à l’Inde. Les commandes affluent du monde entier, dit-il. Toute cette information est mensongère.
A l’issue de cette campagne, un avion LH-10 Ellipse est vendu à l’armée du Bénin…
En fait une dizaine d’avions, en tout et pour tout, ont été construits et trois drones. Aucun ne vole !
L’affaire du Maroc
C’est dans ce contexte euphorique que Moshine Bennani-Karim, industriel marocain, va se laisser séduire par le projet de créer une filiale de LH-Aviation au Maroc et d’acheter trois avions LH-10 dont un exemplaire est présenté au salon aéronautique de Marrakech en 2014.
Selon Christophe Rémy, la filiale marocaine pourrait produire 48 machines/an destinées au marché africain. M. Bennani-Karim signe le 21 février 2014 un protocole d’investissement qui prévoir des participations croisées entre LH-Aviation France et LH-Aviation Maroc.
Mohsine Bennani Karim prend 10% des parts sociales au nominal de 1€ avec une prime d’émission de 19€, alors que la prime d’émission réelle du titre est moins de la moitié… L’actionnaire marocain doit aussi produire une garantie bancaire pour le montant non libéré dans LH Maroc pour le fonctionnement de l’usine au fur et à mesure ses besoins… Hors Christophe REMY ne permettra jamais à l’usine marocaine de fonctionner, Christophe REMY demandera à travers MAGELLAN à Mohsine Karim-Bennani 180 000€ d’honnoraires injustifiés qui seront bien entendu refusés.
Donc la coquette somme de 4.060.000 € sera payée par M. Karim-Bennani, un homme d’affaires casablancais de renom dans le milieu des affaires marocain.
Dans le même temps, LH France prend 51% dans LH Maroc. Mais ce n’est pas tout. Christophe Rémy demande à Mohsine Karim-Bennani d’acheter le savoir-faire français pour 2,9 M€. Soit 49% des parts de LH Maroc.
Une astuce qui permet à LH France de ne pas sortir d’argent pour sa filiale au Maroc.
D’ailleurs Christophe REMY, alors DG de la Maison mère LH Aviation France, n’a jamais mis les pieds dans sa filiale marocaine.
Un avion en kit
Ce protocole prévoit en outre la vente de trois appareils LH-10 au prix de 2 M€. Et la vente de plusieurs moules à 700.000 € l’unité.
Le contrat de vente est signé le 15 avril 2015. Mais aucun avion opérationnel ne sera livré au Maroc conformément à la commande initiale et contractuelle.
Aussi, LH Aviation France se fait ‘’remonter’’ 3 millions € sans transférer le savoir-faire ni même livrer les avions commandés.
LH-Maroc s’aperçoit qu’un seul LH-10 est livré en kit. Il est en outre incomplet.
Cela ressemble à une arnaque « De la Vérité si je mens » version aéronautique.
Tout cela entraînera les réticences de M. Bennani-Karim qui refusera de payer le reste de son engagement. Il sera assigné devant le tribunal de commerce de Paris qui, le 16 février 2018 va « ordonner » à M. Bennani de respecter ses engagements pris au titre du protocole du 21 février 2014 et donc à libérer le capital de la LH Maroc. Un Appel sera interjeté par M. Karim-Bennani fin avril 2018.
Singapour et Malaisie
En 2016, LH Aviation a besoin d’un prêt relais de 200.000 € que lui consent un partenaire commercial. Ce prêt ne sera jamais remboursé. D’où le litige devant le tribunal de Melun. Et la saisie autorisée sur les comptes bancaires de LH AVIATION France par le juge de l’exécution de 230.750 €.
En outre, la société Demian Consulting de Singapour chargée de missions commerciales sur l’Asie pour le compte de LH entre le 15 octobre 2015 et le 15 octobre 2016 devait être rémunérée à hauteur de 3500/€ par mois. Elle ne sera jamais payée alors qu’elle a favorisé la vente en Malaisie, à la société Mirai Inc. d’un avion LH-10 et deux drones pour 2 M€.
Or, LH a facturé en sus à cette société deux prestations aéronautiques en août 2016 pour un total de 227.296,30 €. Facture acquittée. Mais les prestations n’ont jamais été réalisées.
D’où le litige devant le tribunal de Melun.
Le 26 mars 2018, le juge de l’exécution a autorisé la société Mirai Inc. à pratiquer toute mesure conservatoire sur les comptes bancaires de LH Aviation en garantie de sa créance. Et, dans une deuxième ordonnance, le même jour, autorise à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles de LH Aviation.
Ces deux ordonnances du juge de l’exécution sont assorties d’un état des lieux de LH Aviation où il apparaît que la société de Melun-Villaroche est criblée de dettes (700 K€ de créances sociales impayées, salariés non payés depuis des mois).
Aucune comptabilité n’est déposée par LH Aviation France depuis 2014, l’exercice clos au 31 décembre 2013 fait apparaître un résultat déficitaire de 3.515.806 € pour un C.A. de 56.896 €.
On comprend mieux que, dès 2014, LH Aviation était dans l’obligation d’aller chercher un partenaire financier, il s’est agi du Maroc et de Mohsine Karim-BENNANI (MBK) qui rêvait d’un avion 100% fabriqué au Maroc et souhaitait doter son pays de cette technologie alors que les intentions des dirigeants de LH Aviation étaient de flouer M. Mohsine Karim-Bennani.
Tout porte à croire que la filiale marocaine a été créée dès le départ pour renflouer le déséquilibre financier de la société française, dans une atmosphère de mensonges et de fausses informations commerciales lancées par Christophe Rémy.
La justice française tranchera sans nul doute dans le bon sens.
Enquête réalisée par Pierre et Hippolyte Gourmantier
RSS